Allez, on prend son soufle ! c'est le final !
- QUATRIEME PARTIE -
Pas tant finalement. Autant en profiter un peu pour sauver 2-3 minutes. C’était surtout pour me rassurer : je pouvais encore trotter presque correctement alors ?! Et puis viennent des tronçons de route un peu droites, on sent qu’il faut à tous prix trouver les 42,195kms coûte que coûte ! à un moment en contrebas, j’aperçois Steph, bien concentrée, bonne tenue. Pfff… on voit bien, elle ne bataille pas, simple… Comment c’est possible ?
Moi, j’ai l’impression que ça dure un peu trop longtemps ce passage…. Et je sais que là, ça peut me miner sur les 2 prochains tours. Je dois me souvenir de ces virons, du temps que ça prend à rejoindre ce morceau de pont, là… de comment ça saoule de se trainer comme ça, tourner, virer, aller, revenir, recommencer. Je dois m’en imprégner maintenant pour que ça ne me flingue pas sur les tours suivants. C’est juste un petit morceau cramoisi de la course, d’une journée SU-PERBE ! C’est pas ça qui va tout te pourrir. Oooh non. D’ailleurs, tiens, un poil plus d’une heure et déjà 10,5kms au compteur ! Alors ? Y’a rien, là, hein ? C’est bon, comme espéré. Bientôt, ça ira moins bien évidemment, mais je devrais être tout près de 10k/h.
En tous cas, là, je suis le mouvement. Je vois quand même des gus marcher. Tentant. Non mais je ne vais pas m’y mettre aussi. Ils doivent être dans leur 3ème tour les gars ! ils savent qu’ils sont arrivés dans une petite heure c’est pour ça ! Attend, ils méritent, oh. Je n’en suis pas là. Mais je sais que je prends du large par rapport aux barrières horaires. Je pourrai peut-être me poser un peu, non ? Ben non, aucune blessure, c’est juste le début du marathon, après ça va être la nuit et il faudra faire gaffe à ne pas retaper le pied gauche etc etc.. de l’autre côté je vois Brouette, lui fais un signe et dit quelques mots mais le garçon est bien dedans, il n’entend pas. L’appui toujours solide, pas trop décalqué, je suis sûr que le gaillard pourra être dans son tempo jusqu’au bout. D’ailleurs c’est peut-être son dernier tour tellement il a dû avoiner sur le vélo.
Tiens, le Parc à vélo est déjà au bout, là, après les haies de spectateurs. Ca veut dire que j’y verrai peut être ma petite famille. Non, pas là non plus. C’est quand même dingue, ça : tous les enfants d’Embrun et d’ailleurs sont là, à me taper la pogne, mais pas les miens. Il n’y aurait quand même pas eu un problème à la baignade ??? Ou un croutage phénoménal aux jeux ? Une allergie de ouf ? Simplement ras le bol à voir tourner des messieurs-dames à l’agonie, en restant plantés là alors qu’il y a moyen de se mater Indiana Jones à l’appart ? Mère et enfants se seraient barrés… alors qu’ils sont tout pour moi ?!?!? J’vais pas flipper maintenant, le tour n’est pas encore bouclé. Ils seront un peu plus loin sûrement. Allez, un p’tit canon eau-coca, raisins-cahuètes et re-eau en marchant et je repars. Et oui… je m’arrange un peu avec mes principes maintenant…. Le début de la fin ? Je m’arrêterai aux ravitos, soufflerai et relancerai en marchant. Et ça m’ira quand même très bien.
Non non, je ne les vois toujours pas, et je me traîne ce coupe-vent à la con avec mon gobelet, là… quel naze. Je pourrais les leur fourguer, si je les voyais… Ohhh Pôôh-Pôôh, t’es sûr ? il faudra être vigilant, ça pourrait être considéré comme de l’assistance… et pan ! carton, ou même pire ! Pourtant sur ce que je vois, tu as le droit de courir à côté de ton pote, tu as même le droit de faire du vélo avec un chien pour accompagner ta frangine par exemple. Qu’est-ce que tu veux qu’ils te disent pour un gobelet et un KWay, franchement ! Ouais mais bon, il suffit de tomber sur un tordu…
Une toute petite bosse (mais bien suffisante !) pour monter sur la digue, et ce sera un A/R dans la poussière volatile que les pieds des athlètes, caressant les chauds cailloux sablonneux du chemin, ventilent, enveloppant ainsi, comme dans un fin velours, tous les espoirs des participants. La lumière de l’arrivée franchie, l’écrin libèrera les émotions de chacun comme autant d’étoiles perlant le ciel. Ouhlàààà, tu délires ? On va pas s’mentir, t’en as plein les baskets. Et l’arrivée est carrément pas pour tout de suite.
Mais où ki sont ? Je ne vois ni ma mie, ni mes chérubins. C’est grilladin, il y aura eu un problème. Je fais quoi alors ? je stoppe et rentre ? Je fini coûte que coûte comme un gros égoïste et vois après ? Oh oh ! Hé, mais ouais ! c’est bien ma femme qui est là, de l’autre côté avec les enfants qui crient, tapent, et essaient même de trotter pour m’accompagner ! Mais obligé d’abord de freiner les ardeurs: 1-de ce côté, ils vont à contre sens des coureurs et vont se ramasser et gêner, c’est sûr, et 2-je vais me prendre un carton ! Ils le comprennent super bien, j’en profite juste pour balancer le coupe-vent et le gobelet… incognito, ou presque !
Je me recale dans le sens de la marche me reconcentre sur la course. Vooooilàààà. Ca va tout seul, hein ! Mais c’est bizarrement là, que j’ai comme la gorge qui enfle, le nez qui pique et les yeux qui clignottent… j’vais quand même pas chialer ! Non, mais c’était moins une ! Un phénomène déjà rencontré à d’autres occasions, la fatigue qui aiguise les nerfs et on se retrouve comme figé de l’intérieur de tout ce qu’on capte de l’extérieur. C’est trop d’un coup. Ca devrait être une joie simple qui réchauffe l’âme mais c’est tellement plus ! Il y a du merveilleux là-dedans, un peu comme quand on est devant un Chagall. Bon, si on n’aime pas Chagall on peut remplacer au choix, par Jeff Koons, Killian Jornet, ou ses enfants, Bernard Menez, Beyoncé etc Bref, choisissez ce qui vous a émerveillé un jour, vous vous en souvenez ? Ca envahie, ça déborde, on constate mais on ne sait pas expliquer, on subit mais ce n’est pas négatif. Mais ce n’est quand même pas de la magie : je conserve ma souplesse de parpaing et mes semelles lestées à l’iridium. Par contre, ce n’est plus un problème ! Dans quoi… disons 10minutes max, je reverrai mon petit monde et cette fois un peu plus longtemps… je m’en régale d’avance ! Même j’accélère pour que ça passe plus vite ! C’est le point de côté, qui germe qui me fait comprendre ça. Alors calmos nosotros. Virage épingle à cheveux. Ca y est je les vois au loin ! je sens que ça va être grand ! Je suis content évidemment, mais eux, c’est la première fois que je les vois autant au taquet ! Ils sont à fond ! Et il y a une sorte de (léger) transfert d’énergie qui s’opère. C’est vraiment bon de les voir, même si c’est court.
Il faut rester vigilant pour esquiver des coureurs cuits de chez cuits qui roulent à gauche. Pas de terreplein central, ici, pas de barrière ou autre, alors des gars se concentrent sur le sens de la marche uniquement. Pourvu que ça avance, le corps va là où les jambes le portent, ça zigzague, ça tangue, ça titube… Ca se trouve, je serai pareil dans quelques heures… Ah ben tiens, c’est pas GregTDI qui arrive à fond en face ? Mais si, j’arrive à le reconnaitre derrière ses Rayban ! je l’interpelle, mais non, le gars est aimanté par le parc à Vélo… il doit terminer son deuxième tour, déjà… Ou alors il a franchement terminé ? ...
Allez, ça repart direction downtown. Plutôt uptown, on devrait dire… Autant prendre un petit truc au ravito maintenant et repartir vaillant. Vaillant !?!? MDR ! On ne peut pas se tromper soi-même ! Une micro pause avec la boisson iso, ce sera nickel, mais je dois m’attendre à ce que rien ne soit vraiment « résolu ». Ca ira mieux demain. J’avale le truc mais… c’est trop gerbatif ! A une époque -lointaine, j’aurai trouvé ça trop bon, le genre Blue Lagoon au goût. Pas bleu, mais coco-ananas, sucré, et pas alcoolisé, bien sûr. En fait, c’est peut-être ce qui manquait ! Franchement sur les boissons ISO, il y avait des problèmes de dosage, ça joue bien son rôle d’habitude, mais là… beeeuuuurrk. J’enquille direct avec un bon gobelet d’eau, un morceau de barre, de la Saint-Yorre j’adore et hop. Flop, plutôt. Ca repart doucettement. Steph est juste là mais semble coincer un peu. Elle ne peut avaler que des morceaux de tomates maintenant ! Il y a mieux comme aliments de l’effort et pour le bide, mais pas aujourd’hui on dirait. On peut faire un morceau de route ensemble, au moins toute la partie montante, mais elle préfère avancer seule. Je ne vais pas lui prendre le chou plus longtemps; la voix est forte et le débit assez rapide, elle ne s’écroule pas. J’espère ne pas me tromper, mais sans blessure, elle ira forcément au bout.
Je m’y remets un peu. Mais c’est décidé, maintenant, toutes les montés se feront en marchant. Ok, c’est pas la Pierra Menta, mais pour moi aujourd’hui, c’est presque ça ! Même à cette heure-là, au début de la rue piétonne, le patron du bar est encore chaud bouillant, et les clients, pareil ! Encouragements de feu, et spectacle assuré ! Comment j’m’y verrai bien, là, moi, une p’tite table en terrasse, un demi, une clope ohlalaaa… Non non non non, pas maintenant garçon.
Continue à pousser le bouchon et tu verras que ce deuxième tour sera vite plié. Brouette me voit et m’interpelle, bien lucide, toujours. Le visage est plus marqué, mais il coure encore correctement le bougre. J’aimerai trop avoir encore ces cannes. Bon, ça se trouve, il repart à l’instant d’un ravito, hein, alors hein, ça va, quoi… Allez, avance. En me rapprochant du nœud du parc à vélo, je vois d’autres rillettes d’ailleurs. On ne se connait quasi pas, c’est pas maintenant qu’on va développer des discussions, lier, mais je reconnais à un moment Zigmund rencontré la veille. Ca a l’air d’être super dur. Mais je suis sûr qu’il est déjà en train de terminer le marathon. En arrivant à sa hauteur, je lui mets une tape dans le dos et monte un peu le volume histoire de réveiller un peu les sens. Je le sentais prêt à se coucher sur le bord pour piquer un petit roupillon. Hypo ? Malgré tout, ça sent bon pour lui… Hier, il me disait qu’il ne savait pas trop, il n’avait jamais fait ça, il était KO lors de la reco, il espère juste être dans les barrières pour passer la ligne tout ça tout ça… Mais pour être dans cet état, il a dû donner comme pas possible ! S’il boucle maintenant, c’est bien que les barrières n’étaient pas du tout son problème du jour, c’est qu’il a senti qu’il pouvait en plus, faire un excellent temps. Y’ a du costaud. Plus loin, c’est Tricastor qui arpente la digue. Je l’ai déjà vu plus…fringant, disons. Mais il est rôdé, et à ce stade, pour lui c’est comme s’il avait terminé. Et plus tard, Benoit, presque arrivé. Croisé le matin pour mettre les combis. Alors lui, il vole ! Ah il n’a pas les jambes en bois, le garçon… Un état de fraîcheur, mon gars ! Au bout de tant d’heures d’efforts ! Et pareil : il a dû poudrer sévère tout du long, pour terminer déjà ! Il me dit qu’il n’est « pas si facile que ça » avec un sourire jusqu’aux oreilles. Moi, je trouve qu’il va quand même pas mal ! Et il est content, heureux. Ca se voit et ça fait plaisir, au milieu d’une population à la trajectoire aléatoire, le front baissé vers le sol, souvent masquée de lunettes noires. Est-ce qu’ils vont les enlever lorsque l’obscurité gagnera ? C’est pour bientôt, ça. Et oui, on trotte, on trotte, mais le temps passe. Le ciel s’est dégagé il y a déjà un moment après environ 1,5 gouttes de pluie. Mais ça va s’obscurcir à nouveau, c’est certain. Quand c’est la nuit, c’est la nuit et puis c’est tout !
Mais avant, je sais que je vais revoir les miens. Après ces parcours un peu bizarres vers le parc à vélo, je retournerai sur la digue et les verrai 2 fois avant les longues minutes menant à l’arrivée. Et c’est bon ! Excellent même ! Ca ragaillardi. Sauf gros pépin, je sens bien maintenant que ça le fera. Ouais, mais… il ne faut pas vendre etc avant etc… ok ? Donc, sois pas con à te la péter dans ta tête, fais jute au mieux, ce sera très bien.
Uptown encore. Ce coup-là, c’est carrément l’aiguille de la République ! Tiens, cette fois dans la rue piétonne, le patron du troquet a abdiqué. Tu m’étonnes, sacrée journée pour lui aussi… C’est madame qui prend la relève de nuit, et c’est excellent aussi. Les clients braillent un peu plus mais toujours super sympas, et la patronne encourage, à bloc. Je vois bien comment vont se passer les prochains ravitos. Bruno Heubi, ok, je sais que c’est ce qu’il faut faire. Si je pense autrement maintenant, c’est qu’il y a d’excellentes raisons. Mal aux pattes, certes, mais bien lucide. Si je gratte un peu sur tous les ravitos, à la vitesse où je me traîne, je vais gagner quoi ? 5 minutes ? Peut-être 7 ? Peut-être aussi perclus de crampes, je serai. Je ne veux pas arriver explosé, sans rien comprendre, dégoûté d’avoir si mal, et oublier la super journée que je viens de passer ! Maintenant je vais m’arrêter qqs mètres avant les stands, marcher, tailler un bout de gras avec les bénévoles encore présents, prendre le temps de mâcher ce qu’il reste, continuer à boire, redémarrer en marchant et passer au trot pas longtemps après. Ben oui, quand-même. Sinon, ben on continue en marchant. Alors qu’il suffit de re-trotter pour s’apercevoir au bout de 5 minutes qu’on peut le faire finalement, mais que chaque heure, on se met 2-3 kms de plus dans la besace par rapport à de la marche. Toujours ça de pris. Le truc, ce sont ces 5 minutes : ça peut tirer, coincer de partout, et par voie de conséquence on doute, on n’est plus rien, bon pour la casse… Alors que NOOOOONNN ! On termine un truc énorme, et ce n’est pas si commun ! Des gars ont déjà abandonné. Nous, non. Un pied devant l’autre, et recommencer, c’est pas compliqué, hein ! Allez, on trotte.
Ca devient bien noir, maintenant. Mais quand-même, à l’approche d’un saloon, je reconnais Sergio. Il a dû faire un vélo de tabazut. Je suis vraiment surpris parce qu’au Semnoz, le jeune quinca avait bien plus qu’assuré. Et quand on était rentré sur Lyon ensemble, il était encore plein de feu ! En fait, il est tombé aujourd’hui. Et il est reparti quand même. Ca se trouve, il a super mal de sa chute mais ne peut pas se voir autrement que finisher. C’est un winner dans tous les cas. Maintenant, c’est la ligne. En grand champion de boxe, il a encaissé, s’est relevé, et va retourner sa journée : ce sera quand même une victoire. C’est certain. La pression, ce n’est plus le timing, il y a du mou maintenant. Le seul truc qui pourrait nous priver d’arriver, ce serait une blessure ou un coup de bambou phénoménal. Bien sûr que ça peut encore arriver ! Alors humilité.
Surtout, bien faire gaffe sur l’imbroglio de chemins vers le pont, pour ne pas se prendre une nouvelle caillasse sous ce pied. Stopper là cette nouvelle mode… Pas bien le goût à allumer tous les radars pourtant… Je me laisserai + rouler en mode veille jusqu’au bout, voyez ? Mais bon… Si je m’éclate le pied dans l’état où je suis, ça me fout tout en l’air. En plus, c’est vraiment rien ces quelques kms sur la journée, il n’y a même pas à chicaner : faut faire super attention, point. Pareil pour qui arrive en face. Maintenant que ça se croise dans l’obscurité, des VTTs accompagnateurs se mettent en 4 pour rendre le moins pire possible ces derniers kilos pour leur poto. C’est vraiment très gentil, c’est certain. Pour ce faire, ils ont sorti leurs plus puissantes frontales et éclairent bien loin devant eux pour que le copain se sente comme en plein jour, et ne se crashe pas. Par contre on s’en prend vraiment plein la tronche en arrivant en face. Avec mes yeux de lapin albinos, à chaque fois, je suis complètement aveuglé pendant plusieurs secondes. Et comme ça sent vraiment la fin, les gars ne tiennent pas forcément leur droite. Vacillent, même.
Ca ajoute une note très Halloween à l’affaire… La démarche déjà bien bancale de nous autres, est comme accompagnée de façon aléatoire par des faisceaux de lune surpuissants par moment. On aperçoit alors des cheveux trempés, collés sur les visages blêmes. La bouche ouverte, on quête la moindre bulle d’oxygène pour rejoindre d’autres silhouettes efflanquées et fantomatiques qui se tordent encore et encore, mais progressent, téléguidées par une seule idée : passer la ligne et revenir parmi les vivants. Mais, on ne peut pas être plus vivant quand on conclut un truc comme l’Embrunman ! Pourtant, sur cette dernière heure c’est bien ce sentiment qui prévaut : des zombies.
Même plus l’envie de trop répondre ou de faire passer le temps aux ravitos. Parfois quand même, on peut vraiment se marrer quand avec le plus grand sérieux, et hyper convaincu on entend des : « ouais, c’est bien super allure, monsieur ! » J’imagine bien le tableau ! c’est vrai que je dois avoir une foulée magnifique, là ! C’est simple, tu vois Mo Farah ? Et ben je suis encore plus facile, plus fluide, plus en ligne, la super classe… Vraiment très sympas les signaleurs. Aaarrrhhh, il est si bon de rire parfois !
Tiens, j’entends des pas fouler le sol derrière moi et je réalise que ça fait des plombes que j’avance sans jamais voir personne passer à mes côtés. Mais c’est vrai, je n’ai fait que remonter des coureurs finalement ? Pourtant, vraiment, je me traîne. Oui mais il y a différents types de trainage, voilà. Mais ON-S’EN-FOUT ! On serait dans le top50, ça changerait la donne mais là, on est tous en train de batailler pour y arriver, on est plutôt à s’encourager, s’entraider. Non ? En tous cas, je vois le truc comme ça. Sur les dernières heures, parfois, on se serait même cru sur un long trail, à échanger des bribes d’aventures, tchatcher sur les patelins des uns des autres, ou à commenter des expériences culinaires… mais juste parfois.
Et maintenant, il y a ces 2 gars qui font sauter le turbo ! ils en avaient encore vraiment sous la semelle pour démarrer, comme ça ?!?! Trop dommage qu’ils n’en aient pas profité plus tôt. La batterie de ma montre avait lâché il y a quelques kilomètres mais au feeling, comme ça, j’aurai bien dit qu’il me restait encore dans les 5-6 bornes… Combien de temps, encore… Mais les types me disent qu’il en reste « 2-3, pas plus ». Mouais… Ils ont l’air certains. Mais avec tous les angles droits ici et là, les lignes droites, les chemins qui tournent encore vers le parc à vélo et tout, non, l’estimation me semble mauvaise. S’ils courent à cette allure c’est qu’ils savent qu’ils sont tout proches d’en finir…C’est surtout qu’ils se sentent super bien, peau de lapin, la maitresse en maillot de bain, tsoin tsoin… « Ben si, là, maintenant, tu vas vite arriver sous le pont, hop, le petit passage, et c’est le parc à vélo, c’est règlé » Et ben je ne crois pas, non. Je suis sûr de mon fait, il en reste facilement le double. En vérité, je me plante bien comme il faut, car en effet on arrive (relativement…) vite sous le pont. Alors je ne suis pas si lucide que ça ? Je me suis planté complètement ? A la ramasse… les gars filent. Le jus qu’ils ont encore, ceux-là !
Crochet à droite, ligne droite, crochet à gauche « ouaaaaiiisss, super monsieur, un bon rythme, encore » Ca prend 1 ou 2 secondes pour atteindre le cerveau, et puis je suis bien obligé de me marrer ! Bon rythme… tellement bon qu’il y a 2 assoiffés qui me grillent encore, juste là à quelques hectomètres de la ligne. C’est pareil : ils n’étaient pas vraiment rincés pour sortir maintenant le grand jeu ! Je les suis, les colle, mais non je n’y arrive pas… je vais me chopper des crampes juste sur la dernière ligne droite, ce serait con… Et attend, t’es pas bien là ? A la fraîche comme ça, détendu du… Non. Bien, ok, super bien, même ! mais tout tendu de partout par contre…
Du son, et de la moquette bleue, s’il vous plait, pour accueillir les crasseux tout transpirants que nous sommes ! Et ouais, là, c’est l’arrivée ! Arche et tout et tout, et surtout la petite famille est juste là. Excitée comme pas possible. Pourtant c’est tard, et je me doute qu’ils ont dû bien donner une grande partie de la journée dans le lac… Je suis super content ! je pense quand même à jeter un œil sur le chrono géant mais il ne marche pas. M’en fous. Trop content.
En me rapprochant des enfants je les vois plus que contents, vraiment heureux pour moi. C’est la première fois que je lis ça dans leurs yeux à l’occasion d’une course. Ils trouvent ça incroyable. Ils ont vu les enchainements des autres athlètes. Ils ont visualisé la boucle dans le lac… alors 2 boucles… « non… t’es sérieux, là ? » Le vélo dans les montagnes ??? « Sérieux ? mais, c’est super ! ». La CAP les surprend moins mais ils ont vu passer et repasser tant de monde. Ils ont bien étudié tous les visages, toutes les attitudes, les accompagnants, les supporters, les arbitres par ici, les toutous par-là, bref, ils en ont jamais vu autant sur une course et c’est sûrement pour ça qu’ils sont dans cet état. Ils n’avaient pas de banderoles Rillieux et étaient certainement à distance du clan officiel, mais je peux vous dire qu’ils vous ont encouragé tous, à chaque maillot du club, à se casser la voix tant ils étaient impressionnés. Leurs mains étaient rouge-vermillon tellement ils ont claqué celles de tous les coureurs possibles. Pris à mon tour dans leur flow et leur enthousiasme qui déborde de partout, je prends là, maintenant, vraiment conscience du truc… Trop trop trop content.
Je prends la pause comme je peux pour ma chérie, avec le maillot finisher, et je vois bien qu’elle est super heureuse pour moi. Bref on est tous heureux, quoi ! On a des joies simples, hein, mais c’est tellement bon !
Je l’espérais bien sûr mais savais aussi que j’étais trop juste en prépa pour ce genre de truc, ça pouvait péter n’importe quand.. Je pense quand même avoir fait ce qu’il fallait ces 2 derniers mois, et alors ouais, vraiment, HEU-REUX ! en me retournant je vois l’arrière du chrono qui lui, fonctionne, en affichant 15h55.. Je n’en demandais pas tant ! Steph, puis Sergio arrivent dans la foulée. C’est vraiment super qu’ils se soient requinqués comme ça sur les derniers kilos. Malgré ce finish, Sergio semble tout triste, fatigué comme tout le monde, mais j’ai trop envie qu’il réalise très vite ce qu’il vient de faire, qui est juste énorme ! Ca doit être central, ça doit lui rester en tête pour les prochains jours, pas le chrono, pas le ressenti physique : « mais tu te rends compte de ce que tu viens de réaliser ?!?! Tu es obligé d’être content ! c’est quand même incroyable, non ? Tu ne l’avais jamais fait, c’est MAINTENANT ! Embrunman ! » Aaahh… il sourit à nouveau, ouf ! J’arrête donc vite de lui prendre la tête.
Je n’ai pas vu ou reconnu tout le monde sur le parcours, mais je savais qu’on était en train de partager ce sacré moment. C’est vraiment dommage pour Jérôme et Cricri qui ont fait un sacré parcours vélo. Heureusement, ils avaient déjà réussi ce tri par le passé. Je croise pour finir Gregos et ADE dans le parc à vélo, qui ont déjà l’air retapés et tout prêts pour aller au bal ! Ah non ? finalement ils vont direct au dodo… Ca me rassure un peu… J’essaie de rejoindre des rillettes à la buvette mais tu parles, tout le monde a déjà bouclé sa valise à cette heure ! Tant pis, je vais me faire ma binouze tout seul. Impossible, trop glauque après une journée extraordinaire comme ça, ‘faut que je bouge et retrouve les miens, en emportant ma bière quand même.. Pour le gueuleton tous ensemble, je verrai ça demain, mais je termine très bien cette soirée en famille et suis prêt maintenant pour les vraies vacances qui s’annoncent exceptionnelles !
En épilogue je dirai qu’Embrun est vraiment à tenter. Exceptionnelle par son tracé, son environnement, c’est aussi une course avec un esprit à part. Vraiment, j’ai tout aimé. Ca produit une onde qui vous tressaille le corps tellement, que c’en est perpétuel. Le public et les athlètes partagent cette journée, presqu'avec les mêmes émotions on dirait, l’orga est huilée même si les flux autour du parc à vélo, avec Vigipirate, étaient un peu complexes, signaleurs et barmen/maids étaient au top, jamais à attendre pour un bidon, des barres toutes prêtes à dispo et à profusion, du salée… Tout bien, quoi ! Les produits décath m’allaient très bien, surtout que les goûts des barres de fruits et gels étaient variés d’un ravito à l’autre.
Allez, bon, d’accord, en axe d’amélioration, on pourrait dire : insister pour doser au plus juste les boissons ISO. Il y avait les toutes prêtes et les autres. J’ai compris le côté gerbatif des fois ou super acide d’autres fois quand un ancien a dit à une plus jeune « non non, met moins d’eau, c’est mieux pour eux » ! Mais carrément pas ! surtout avec la chaleur, il était supposé avoir l’expérience, alors la demoiselle a suivi le conseil. Un petit focus : la caféine dans les gels. « Consommer 4 gels par jour maximum » est écrit dessus, mais qui a vraiment lu ? Tout le monde n’a pas la même sensibilité à la molécule, mais sur ce genre d’épreuves c’est certainement beaucoup plus que les uns-les autres avons absorbé. Quelqu’un qui s’en tape 10 sur ses 12-17 heures d’effort par exemple prend 200mg de caféine ajoutés à son café du matin, et peut être d’autres kawas sur le parcours, bref, ça peut faire trop. Pas idéal pour contenir son rythme cardiaque dans la bonne fourchette, et optimiser son effort.
C’est un CR un peu particulier, écrit au fil de l’eau quand les occasions se présentaient. C’était bien sympa de prolonger le plaisir en se plongeant plusieurs fois dans cette super journée au fur et à mesure de la rédaction. Comme c’en a intéressé quelques-uns (et il fallait être patient et courageux pour lire jusqu’au bout !), c’est encore mieux !
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