Il fait si froid… on est tous trempés jusqu’au fond des chaussures, ce début de course a tout d’une machine à laver. Il chamboule même les sensations. D’habitude, je suis un cycliste de plus de 80 Kg normalement constitué : si ça monte je traîne, sinon je suis content. Mais là il fait si froid que chacun prie pour que la pente s’accentue. Au moindre replat, on se gèle. Mais avant tout ça, il y a Zigmund…
Un matin, on entendait encore dans le poste la Salamé qui persécutait vicieusement un invité pour savoir si OUI, il y avait un risque qu’il avait pas su prévoir à cause que c’était un gros nul ou bien si NON les pouvoirs publics n’avaient décidément pas fait assez à cause que c’était un gros nul aussi. L’envie, devenue quotidienne, qu’elle se taise définitivement se déployait au-dessus de millions de tasses de café dont la mienne quand soudain… Le téléphone sonne. C’est une drôle de voix qui fait :
«- Allo Planplan ? C’est Zigmund, je t’appelle parce que pour le VercorsMan, je le sens pas trop. J’ai atteint un tel niveau que le RayZin je vais littéralement le défoncer, j’ai peur qu’il nous en claque la présidence. Tu comprends, ça le fait pas de coller 2 heures au très haut Rilletator en titre. Est-ce que tu vois pas un truc pour arrondir les angles ?
-No problemo, tu annonces que tu te fais porter pâle, comme ça, vu que RayZin il veut juste t’écraser, il viendra pas et tu reviens en lousdé genre « je vais mieux ».
-OK on fait ça »
Sauf que Rayzin, fine mouche (tu m’étonnes le Prez), ne s’est découvert que la veille de l’épreuve ou il a finalement annulé sa venue (vu qu’il pouvait plus bouffer du Zig) en prétextant un accident de scooter imaginaire. Se sacrifiant pour les rilliettes, au désespoir de voir Rayzin s’entêter, Le Grand Zig m’avait transféré le dossard numéro 162 ! Conclusion : Plus de Zig, plus de Rayzin, reste Planplan. C’est mieux encore que le e-sport, c’est du psy-sport.
Ça fait quand même un gros morceau ce XL, alors j’ai immédiatement passé un coup de fil à mon consultant spécialisé longue distance (IM 2018, Rilliette CDM OR 2018, OR 2019… gros palmarès) qui m’indique en plein repassage: «- C’est vrai que le vélo est solide mais ton plus gros problème c’est quand même que t’es une grosse brêle en course à pied (…) si tu veux tenir il faut manger : il faut manger tout, tout le temps, et aussi des trucs avec écrit BCAA dessus ». C’est ce conseil qui m’a sauvé.
Le matin de la course, il drachait à pas pouvoir enfiler ses chaussettes. Y avait bonne ambiance dans le parc à vélo. Par rapport au S la veille, je notais que les participants avaient pas tout à fait le même profil, ça fait un peu peur, les enfoirés ont l’air affutés mais surtout…. légers. Tout est mouillé alors tu enfiles la combi tôt et tu patientes avec ton nouvel ami qui ne te quitte plus : ton masque. L’important c’est juste de bien emmener le K-way sur le vélo.
Le COVID-rolling (rolling start lancé avec distanciation) se passe assez bien mais en rentrant dans l’eau, j’ai tout de suite pensé « IL FAUT UNE CAGOULE » il fait tellement froid que tu nages verticalement sans t’immerger la tête un peu comme quand tu as 4 ans ! Point positif par contre, tu ne sens pas l’effort. Au bout de 500 mètres, normal : envie de pisser. Mais vu la caillante, j’ai mis 1500 mètres à ouvrir les vannes ! Ouf juste à temps pour une T1 hilarante en mode zombie ou tout le monde enfile tout ce qu’il a. Mon voisin, celui qui est à l’emplacement de notre président, m’a collé 3 minutes sur la Nat mais son cerveau est tellement gelé et son sac poubelle tellement plein d’eau qu’il partira bien après moi en hurlant des imprécations de fou. Perso, je suis pas lucide, après avoir revérifié 3 fois que j’oublie rien (vainement bien sûr, quelqu’un de sérieux aurait pris des lunettes), je me dirige vers le raidillon de départ et cliquette les pédales. Il me faudra bien 15 minutes pour arrêter de divaguer mentalement « un peu hagaga je suis où là, je fais quoi, ha oui …. »
Ça monte donc et heureusement. Dès que ça descend un peu, la trajectoire devient floue car les bras tremblent de froid. Les crevaisons font de la peine, on les encourage, les pauvres… Le pire, c’est un gars qui avait pas pris son K-Way avec sa trifonction sans bras, il semble tellement affaibli que s’il n’a pas abandonné, il doit encore être en train de pédaler. Lui et celui qui a fait une hypothermie avant T1, ils ont la palme. On compte plus les abandons. Plus on monte cette machine et plus il pleut fort, brouillard, vent, 7°C, Les tunnels noirs semblent des havres mais faut continuer. Sur les balcons routiers (il parait que la vue y est belle) on ne voit qu’une immensité de vide blanc, de toute façon on voit même pas le cycliste de devant. Au sommet, on bascule dans une descente qui est encore beaucoup plus difficile que la montée. La route n’est qu’une flaque, les freins ne freinent pas, tu trembles, dès qu’il y un bout droit le crachin te pique les yeux, tu n’oses pas piler parce que rien ne dit que tu vas pas glisser, même les doigts glissent sur les poignées de frein. En bas, il faut manger avant de recommencer. Pendant tout le vélo, j’ai pas quitté le K-Way. Manger manger manger manger, J’ai pas faim pourtant car depuis 48 heures, j’ai un régime de Chicandier dont le point d’orgue fut une Entrecôte & Ravioles du Vercors sur lit de crème brulée. Mais il faut manger sans arrêt m’a-t-on dit et c’est sans doute pour ça que la machine a bien voulu continuer à tourner 9h53. D’ailleurs une fois les gourdes vides, je me suis pluggé directement sur un ruisseau de Coca-Cola pur qui courait de ravito en ravito. Au sommet du dernier col, Oh joie, enfin des protéines, allez vas-y pour le jambon fromage et une bonne brassée de gels avec plein de sigles incompréhensibles. Tout ce que tu ne peux pas gober sur place, tu le fourres dans la sacoche de cadre et GO pour une dernière descente.
Constat d’échec. Séquelles de la descente de la machine à laver du matin ou bien inaptitude définitive, en tout cas je n’y arrive pas. Descendre avec brio et légèreté, volant de point de corde en point de corde, frôlant de la pédale les herbes de l’intérieur du virage, les pneus gravant à bonne distance de la barrière extérieure un paraboloïde rapide et bien reglé qui déjà en appelle un autre… Tout cela avec dans le cœur la certitude, mystique, que rien ne peut arriver, que le ciel me protège. Non ce n’est pas pour moi, seuls quelques rares élus y arrivent (Ayrton Senna, Joe Dunlop, Manue,… gaffe Manue quand même) Moi je rentre optimiste dans une trajectoire très étudiée qui se finit crachotante, tarabiscotée, presque arrêtée, avant de repartir de façon… plan-plan sniiiif. Ou alors, je me fais peur et vais balayer en dérapage les gravillons des derniers 50 cm. Apres quelques essais j’y renonce, je descends donc tranquilou, la T2 m’attend. Il reste un gros morceau auquel je pense depuis des jours, un défi qui m’occupe. Ne pas marcher, c’est pas gagné.
Je rêve depuis longtemps de finir une LD sans marcher. C’est chaud mais tous les ingrédients sont réunis et dès les premiers kilomètres, je me surprends à espérer. Alors attention, je dis « pas marcher » mais je veux dire qu’on a quand même le droit de s’arrêter aux ravitos. Je le ferais : hagard, chancelant, les mains sur les genoux, tentant de décoder la phrase du bénévole qui tend une banane, renonçant à lui répondre, perclus de douleur, gobelets à la main, un petit pipi un peu plus loin, hésitant … ) tout ça on a le droit mais si on repart du ravito : ON COURT BORDEL ! Enfin j’étais dans cet état d’esprit. Et sur les coups des 9h de course, ça commençait à piquer mais je m’étais bien économisé sur le vélo (pas comme à la Madeleine) alors ça l’a fait. Lentement mais ça l’a fait médaille en bois !! SUB-10 VERCORSMAN BABY ! YEAHHHH. Merci Zig !
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Modifié en dernier par Planplan69 le Lundi 31 Août 2020 21:15, modifié 4 fois.
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