Patrick Vernay : objectif top 5 à Kona

Les ambitions de Patrick Vernay ne sont pas démesurées. Il vient de prouver, en terminant second de l'Ironman Australie, qu'il est un des français, si ce n'est LE français, le plus performant sur Ironman

Patrick Vernay peut prétendre à intégrer le top 5 à Hawaii, dès cette année. Après avoir été le meilleur tricolore l'an passé sur la course de référence (12ème en 8h32'), seulement quinze jours après sa victoire sur l'Ironman Corée, le néo-calédonien mérite désormais de figurer au plus haut à Kona. Mais encore faudra t'il que des dates de courses "obligatoires" ne viennent pas le perturber dans sa préparation…

Xtriathlon : Salut Patrick et merci de répondre en détails à nos questions, quelques jours seulement après l'Ironman Australie, où tu as terminé à une superbe seconde place derrière l'ahurissant Macca. Peux-tu nous raconter ta course ?

Patrick Vernay : Départ à 7h du matin et nous avons pris soin de bien régler nos montres la veille car le jour de la compétition on passe à l’heure d’hiver. Après nous être bien renseignés, nous sommes parfaitement sûrs que nous allons disposer d’une heure de sommeil en plus.
Matin de la course, super beau temps, pas un nuage à l’horizon, donc tout pour me plaire. Le parc est rempli de vélos comme sur toutes les courses Ironman. Pas loin de 1600 concurrents vont devoir en découdre aujourd’hui.
Le départ est donné par des coups de canon et nous voilà partis pour une grosse journée.
Deux boucles à parcourir en natation et je sors de l’eau en 10ème position, derrière quelques groupes d’âge qui se sont élancés 15 mètres derrière nous. J’enfourche mon vélo que j’ai pris soin de doter d’une lenticulaire en 7ème position, près de 15" derrière Mac Cormack, Legh et Andrew Johns. Je rattrape rapidement Andrew et au 15ème kilomètre je passe Legh qui emmène Macca dans sa roue, enfin à 5,50m puisque c’est la nouvelle distance de drafting autorisée. En fait théoriquement il s’agit de laisser 7 mètres entre les deux roues avant des deux concurrents qui se suivent. Je roule bon train sur 10km puis je me relève pour laisser les autres passer, après tout ce n’est pas moi le favori et c’est à eux de s’expliquer. Legh passe, Macca ne bouge pas, les mains très souvent en haut du guidon. Il veut que Legh prenne la course à son compte. Juste après le demi-tour du premier aller-retour que comptent les trois tours, soit au 31ème, on peut juger de l’écart qui nous sépare de nos poursuivants. Celui-ci étant assez peu conséquent, Macca va se mettre à rouler sur 20 km. Puis c’est Legh qui passe juste avant la fin du premier tour de 60 bornes. Je le relaye puis il repasse et ainsi de suite sans que Macca ne se montre devant. Au 90ème Legh se relève et je prends les choses en main. Au 100ème je vois qu’un petit trou de 50 mètres est fait, ceci à la faveur d’une montée de bosse un peu appuyée de ma part. Je sais que Macca attend son heure pour semer Legh qu’il craint à pied, pour s’en aller avec moi. C’est chose faite au 105ème. Et là dans les règles du drafting on se met à rouler tous les deux. Je retrouve un MacCormack costaud comme on sait qu’il l’est à vélo. On roule chacun notre tour 5' devant mais au 155ème, je ne passe plus. Après tout, c’est lui qui a déjà gagné 4 fois l’Ironman d’Australie et je ne suis qu’outsider. Du coup quand il me demande de passer et que je reste derrière je sens son énervement. Il fait tout pour me lâcher et je sais qu’il se donne du mal. D’ailleurs quand on lit ses impressions sur la course et notamment quand il dit que c’est sa victoire la plus facile, je pense et je suis même sûr que ce n’est pas vrai. Ce n’est pas très fair-play de sa part et croyez-moi qu’il n’était pas très serein à chaque fois que je le croisais à pied. Il faudrait qu’il apprenne à rester un peu plus modeste. Enfin peut-être que les médias ont mal retranscrit ses propos.
Toujours est-il qu’on pose le vélo 10' devant Legh qui va réaliser la moitié de son marathon en marchant, problème de cœur, et crachats de sang. Le plus inquiétant est donc Shortis, récent vainqueur de la Malaisie et qui est à 12'. Je sais qu’il peut courir en 2h45 et me reprendre ces 12 minutes si mon marathon approche des trois heures. Mais je suis bien et au semi je passe en 1h22, à 2'40" d’un Macca loin d’être aussi serein qu’il ne le prétendra plus tard. C’est plus dur ensuite mais je boucle le marathon en un peu plus de 2H52 à 6’48 de Mac Cormack qui ne m’a d’ailleurs pas accueilli à l’arrivée. Grosse baisse dans l’estime que j’avais pour lui. 8h27'30" sur un parcours que j’ai trouvé bien difficile avec près de 70 km de parcours vallonné à vélo et une bonne quinzaine à pied. J’étais dans un super jour. Derrière, Shortis complète le podium devant un Mac Kenzie qui m’avait soufflé ma qualif l’an dernier. Il est à plus de 10' cette année. Andrew Johns est 5ème pour son premier Ironman et lui aussi qualifié pour Hawaii.

Xtriathlon : Après le retrait d'Anderson, on n'avait plus d'yeux que pour Legh, Shortis et bien sûr Macca. L'Ironman Oz était ton objectif de début de saison ?

Patrick Vernay : Qualifié pour Hawaii en début d’année, cela me laisse tout le loisir de me préparer pour cette échéance dès le mois de Juillet. Je vais vraiment tout faire pour arriver au top à Kona. J’ai bossé très dur à vélo pendant trois mois et ça a été fructueux avec le meilleur temps vélo que j’ai réalisé. C’est dans cette discipline où je me devais de travailler pour rester dans le bon groupe que j’ai dû laisser filer en octobre dernier. J’ai dorénavant un vélo (Look 496 TRI) qui m’a beaucoup apporté au niveau de l’aérodynamisme. Finie la position du facteur, je suis désormais super bien posé sur ma machine et tous les réglages sont ok.

Xtriathlon : Penses-tu être au top de ta forme sur des événements aussi difficiles et disputés qu'Hawaii ?

Patrick Vernay : Pour Hawaii j’ai de grosses prétentions. C’est un climat comme que je les aime, chaud et humide identique à celui qu’on connaît en Nouvelle-Calédonie. C’est un atout non négligeable qui pourra peut-être me permettre de figurer cette année dans le Top 5.

Xtriathlon : Comment vas-tu gérer ta fin de saison avec les France LD à Gérardmer et les Monde en Australie ? Certains coureurs tricolores font l'impasse sur Hawaii à cause des Monde, qu'en penses-tu ?

Patrick Vernay : Concernant les Mondiaux de Canberra, mon lieu de résidence me place parmi ceux qui seront les plus acclimatés à l’épreuve. Mais il faut être sélectionné à Gérardmer et cela est bien contraignant pour moi. Je suis enseignant d’EPS et je ne peux me libérer à ce moment de l’année. De plus pour être au top il me faut négocier le décalage horaire. Soit un bon mois de perdu pour moi. En plus je veux à tout prix aller à Hawaii. Pourquoi ne pas me permettre de me rendre en Australie à mes frais vu que je suis à côté ? Qui irait se plaindre et dire que je n’ai pas ma place ?
Enfin, nous voilà de nouveau en porte-à-faux vis à vis de notre Fédération et de la WTC. Il nous faut encore choisir et risquer à nouveau de perdre le statut d’athlète de haut niveau. Parce que 12ème à Hawaï et 2ème en Australie n’est pas une performance prise en compte pour intégrer l’équipe de France. Dur dur de composer également avec le calendrier ITU et celui de la WTC. Mais bon le débat là-dessus est déjà bien assez alimenté en ce moment.

Xtriathlon : Comment se passe ta paternité ? Lenny est-il un beau et gentil bébé ? Comment va Cornélia ?

Patrick Vernay : Ma petite famille va bien et notre petit garçon, 8,2Kg à 4 mois fait ses nuits depuis deux mois. C’est un ange, comme ma femme Cornélia qui se donne elle aussi à fond pour que je réussisse. Elle-même prétend que je peux terminer dans les 5 premiers à Hawaii. C’est génial d’avoir quelqu’un qui vous accompagne à 100% dans vos objectifs et votre préparation. Je sais bien qu’elle fait des sacrifices mais ce n’est que pour trois à 4 ans encore. Ca vaut le coup, on en est certains.

Xtriathlon : Après la Corée l'an passé, te voilà encore très proche du très haut niveau. Premier français à Kona en 2005, que te manque t'il pour grimper dans le top 5 ?

Patrick Vernay : Cette année encore nous sentons tous les deux que j’ai passé un cap et après 8 Ironman parmi lesquels deux victoires en Corée , une deuxième place en Australie, une 15ème puis une 12ème à Hawaï , l’expérience ,qui est nécessaire et indispensable sur ce genre d’épreuve, s’est encore bien accrue.
De plus je sais également que beaucoup croient en mes capacités et je me dois de ne pas les décevoir. Je pense à mes amis à Nouméa mais aussi à tout mon club à Beauvais, ma famille et tous mes autres amis que j’ai un peu perdu de vue depuis que je suis rentré en Nouvelle Calédonie.

Sans vous tous, vos encouragements, votre soutien et vos félicitations, ce serait bien plus difficile.
Merci à tous
Patrick

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