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MessagePosté: Mercredi 26 Octobre 2022 16:13 
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Juste un petit mot pour vous proposer une aventure:
La Race Across France 2023 ouvre ses Inscription Mardi 1 er Novembre (300 500 1000 2500):

https://france.raceacross.cc/
Au début le prix est plus réduit.

"La plus grosse bêtise qu'on puisse faire, c'est s'inscrire." Eric Leblacher

Si y a des clients qui veulent sauter dans le bain, sachez que vous avez le temps de vous préparer et de bien kiffer. Si vous hésitez....N'hésitez plus.

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MessagePosté: Mercredi 12 Juillet 2023 16:51 
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Ce que la route offrit à Nicolas (Race Across France 2500 KM 2023)
Sur la Voie 9 3/4
Un an de préparation se termine au bout de ce train pour Le Touquet. Des mois que Nicolas élabore des stratégies à la lecture de posts, de blogs, de forums de discussion. Les lives d’Arnaud ont rythmé la définition de sa méthode. Un setup, étayé sur la foi de vidéos vantant tel ou tel Bivy, tel ou tel pneu ou lampe frontale, telle ou telle stratégie de sommeil. Des mois que les listes de matériel et les checklist s’agglomèrent en un gloubiboulga technique ; qu’elles s’étalent en tableaux Excel et en cahiers d’écolier raturés. Nicolas met une dernière fois à jour ses feuilles de route avec les parcours fournis par Pascal, il plastifie les 2500 Km avec des bandes de scotch. Il pense encore se protéger en investissant dans The Absolute-Meilleur-dernier-matos du moment. Alors il ajoute ce dernier gadget à l’attirail de ses craintes et voilà, il part.

Pour beaucoup, la clé c’est la nourriture: pas pour Nicolas. Il dévore tout, tout le temps. Pour d’autres c’est trouver le sommeil: pas pour Nicolas, il dort comme une pierre en une seconde, même par terre, même dans le bruit s’il est assez fatigué.
Non Nicolas son problème c’est son poids. Beaucoup trop à hisser par-dessus les tas de montagnes du parcours de cette RAF2500 qui tire à l’Est. Une échelle verticale de 40 km à escalader. Alors Nicolas verra. Depuis des semaines il se sent fort et il se sent fort pendant longtemps mais aussi il se sent lourd. Nico et son vélo badgé USS260 font bien plus de 100 Kg.

L’an dernier, les 1000 kilomètres de Race Across France lui avaient déjà donné pas mal de miles à retordre. Mais cette année, il rentre dans les ordres. Cette année, c’est la distance reine... Il va au bout cette année des 2500 km ou… ou pas. Et c’est bien ça qu’il vient chercher, si c’était raisonnable, Nicolas n’aurait pas rêvé, il n’aurait donc pas signé. Hannibal a fait passer 37 éléphants par-dessus les Alpes sans aucun moteur bien avant l’invention de la draisienne et du goudron. Alors pourquoi pas Nicolas et juste son vélo ?

Pour se tester pendant des mois, il roule il roule il roule… La nuit, le jour, la pluie, le froid, loin, tard, tôt, nuit non-stop etc. Il s’aguerrit par monts et par vaux (surtout par monts). Tout est bon, Zwift, Everestings, Brevets de Randonneurs, Cyclosportives, Gravel de ci ; Gravelman de là ; l’Alsace, l’Allemagne, la Bretagne, tout ce que Nicolas peut y rouler dessus, il y roule dessus.
Ce faisant, il vit : il vit des trucs… Des voyages qui lui font dire que même si, avant le départ de la RAF, tout devait s’arrêter, ces seules aventures se suffiraient. Cette RAF, c’est presque le mobile pour faire toutes ces conneries savoureuses. Une façon comme une autre de s’enlever de la pression. Ce qui est sûr c’est qu’il faut un entourage d’élite pour s’autoriser une telle préparation.

Les oiseaux s’envolent
Ce matin du 22 juin, Nicolas a sa boite de lego de 2500 pièces sous le sapin mais il n’est pas le seul. Au départ, tout neufs sortis du train, les rafeurs sont encore en mode fiérot et matos de la mort. Il faudra attendre 24 heures au moins pour que l’arrière du cortège se transforme en une paisible colonie de vacances.
Pour l’heure, certains sont encore crispés par le méga-pain qui est sur la planche et ils veulent montrer qu’ils ont un beau couteau. Comme il a survécu au voyage (en France, les TGV régurgitent les vélos et les avions les cassent), le Girs RNR ultra de Nicolas passe haut-la-pédale les vérifications de sécurité et reçoit ses autocollants de combat. Il faut attendre le départ. Les coureurs s’observent.
Les profils des USS sont très divers. Il aurait tellement plu à Nicolas d’intégrer un ordre de moines-soldats aux âmes pures et assez folles pour provoquer le Léviathan. Il n’en est rien. Ce n’est pas un club. La diversité y est très ordinaire. A l’endroit des femmes, les préjugés à la con de Nicolas s’étendent de la poupée au commando de marine; il distingue aussi toutes les nuances variant du Jean Michel Carbone/Cofidis sous sa forme la plus académique au demi-bab’s complétement décontracté qui hésite à s’en rouler une dernière avant le départ. Beaucoup de ces gens le fascinent. Mais Ils et elles ne se ressemblent pas entre eux, ils ne ressemblent pas non plus à Nicolas.
Les nouveaux sortent doucement du quant à soi et se joignent aux retrouvailles riantes des habitués. Ces oiseaux sont dépareillés mais ils parlent un même dialecte et s’apprêtent à migrer de concert vers l’Est puis vers le Sud. Un briefing joyeux précède un départ toutes les 30 secondes. On peut monter le lego.

Le processus de décantation jusqu’à Lille
Tout le monde dépasse USS260, certains fusent au point que leur encouragement de principe se perd dans leur sillage, d’autres prennent le temps de partager un rire frais. Inévitablement, Nicolas s’enfonce dans le classement, il se dépose lentement dans le fond de la RAF. Les bulles, la crème, l’élite de l’ultra remontent se confronter (ou exploser) au sommet. Mais de cela, Nicolas ne verra rien.
En quelques heures, il ne reste plus guère que le parcours qui daigne rester dans ses roues. Le goudron défile et le soleil disparait dans la Manche comme une boule de métal rougie. C’est beau.
Nicolas est bien décanté maintenant, il n’y a donc plus de place à la base de vie de Lille lorsqu’il arrive dans la nuit mais sa longue pratique des fonds de classement l’avait préparé à cette éventualité et ce n’est pas un problème. De toute façon, il en faut plus pour l’empêcher de dormir, ni le carrelage, ni les bips des compteurs mal éteints ni même les éclats de voix des indélicats repartant plus tôt ne parviennent à le déranger.

Des rencontres en terrain hostile
Le parcours est varié et difficile, le plat est rarement plat mais pour l’instant pas d’inquiétude. Nicolas sait qu’une bonne partie de ceux qui le dépassent en coup de vent vont rester dans le filtre. C’est toujours comme cela malheureusement.
Dans le fond du classement, Nicolas retrouve souvent les féminines de la course dont l’humilité et l’endurance paient la plupart du temps. Elles sont belles : Lili, Anne, Marion, ces femmes qui n’ont pas craint de se jeter seules sur le dos d’un monstre pareil avec seulement un vélo à la main émeuvent Nicolas. Il trouverait si beau qu’elles ramènent le monstre à quai. Nicolas est beaucoup plus sensible au fait que des gens normaux, des gens comme lui, entreprennent de tels défis plutôt qu’impressionné par les niveaux de vitesse, de légèreté, d’absence de sommeil des champions.
Les hommes aussi sont beaux d’optimisme, Nicolas voit enfin en vrai Eric Cyclogrimpeur qu’il lit depuis des années ; Joffrey et Philippe qui restent calmes et constructifs malgré l’adversité. Quand Nicolas les croise, il les colle quelques heures pour refaire le monde, ça lui fait passer le temps, ça le sort de ses devoirs perpétuels. Ils rient ensemble. Chaque jour, il pensera aux gens normaux qui ont partagé sa route, qui ont fui les orages dans les mêmes abribus, sué sous les mêmes cagnards, qui cherchèrent de l’eau (et du café) avec lui. Nicolas espèrera avec une sincérité, bien peu ordinaire pour lui, qu’ils ou qu’elles arrivent à bon port.
Les passants repèrent le manège des rafeurs et manifestent souvent de l’intérêt. Alors ils posent des questions mais rapidement, Nicolas se sent obligé d’abréger : pas le temps. Plus le temps. Plus les jours passent et plus il mime le mutisme. Le disque est rayé.

C’est dur
C’est plus dur que prévu, Nicolas est rodé pour de grosses journées mais quand elles sont ultra longues et s’enchainent, c’est plus marrant du tout. Il ne faudra pas 1000Km pour qu’il soit pressé de se débarrasser du parcours. Pendant 17 heures par jour, le vélo est en train d’avancer. C’est ce qui était prévu dans son tableau, mais là ça pique.
Lorsqu’il étudiait le projet à son bureau, le parcours quoi qu’énorme le faisait rêver et semblait prenable : « -peut-être pas en 10 mais disons en 11 jours, en 12 c’est sûr ça passe ! » se disait-il.
En pédalant il doit se l’avouer : le parcours est une déception pour Nicolas, et ce en dépit des cigognes et des points de vue qui émerveillent tout le monde. De toute façon, il ne s’arrête plus aux sommets, il ne prend plus de photos, il remonte le zip de la shakedry et bascule sans poser le pied, il doit rouler. C’est pas la faute de Pascal (l’auteur du parcours), Nicolas avait signé pour ce parcours mais il ne le voyait simplement pas ainsi. Bien des fois, Nicolas et son appétit de voyage se sont donné l’impression d’exécuter un numéro de cirque surtout destiné à départager des champions. Combien de fois, lâchement, Nicolas s’est dit «- Pourquoi je monte là-haut pour redescendre juste à côté ? ». Durant des journées entières, emprisonné par des cols brûlants ou noirs et glacés ; seul et entouré d’hôtels à 120 balles situés beaucoup plus loin que ses jambes n’auraient aimé le porter. Nicolas se rêvait alors en Empereur Joseph II assénant à Pascal « - Il y a trop de mètres mon cher Bridou ! Va pour le voyage mais faites-nous grâce du déniv’ qui vous tient lieu de religion !» Antonio Salieri, bien sûr, était d’accord avec Nicolas.
Les Ardennes et leurs montagnes russes de céréales écrasées de soleil et battues par les éoliennes à perte de vue. Dans les Vosges infestée de groupes de motards qui sonorisent les terrasses de café et les routes avec de ridicules attributs de substitution chromés et pétaradants…. La rareté des superettes qui contraignent Nicolas à se nourrir dans les épiceries bio ou un pain lourd, cher et peu digeste lestait encore ses sacoches. La Madeleine et ses milliers de mètres de montée… Ils sont nombreux les rafeurs du fond de la classe à se demander pourquoi ils continuent. Tout le monde ramasse grave.

S’arracher le dossard
C’est fini, le GIRS et Nicolas sont dans le TER. Il arrête!
Les abandons ne correspondent que rarement à l’impossibilité de continuer pour un rafeur. Souvent, un problème achève de faire déborder le vase de la tension accumulée dans son esprit, dans son corps. C’est trop pénible de ne pouvoir se poser calmement pendant des jours. D’avoir toujours une batterie à charger; de la nourriture ou un abri à trouver, un col à monter, une pharmacie à visiter, d’avoir peur de manquer de lumière, de calculer sans fin à quelle heure on dort et quel jour on arrive.
Nicolas n’en peut plus de toutes ces obligations, tout ce qu’il fait, il est obligé de le faire. Même dormir, même pisser. Rien n’est léger. Le côté drôle de sa vie provient de l’absurdité de sa condition, un agenda de ministre pour un jeu de gamin! Il n’est plus qu’un objet usé qui roule sur une ligne chronométrée sans espoir de victoire.
Ses journées se passent souvent seul, et s’achèvent bien après l’épuisement. Il faut toujours continuer un peu plus loin jusqu’au point X, jusqu’à l’hôtel Y qui lui a envoyé une procédure d’entrée tardive par email. Sans ça, des gens écriront DNF à côté de son nom, parti comme c’est parti, ça va pas louper ! Il ne faut pas décrocher complétement du plan de marche mais le retard s’accumule.
Il est très commun d’abandonner puis de ne plus savoir pourquoi quelques heures plus tard, il le sait. Il a menti : Il n’est pas encore dans le TER, Il rallume maps pour trouver ce fameux dodo, il rouvre les yeux pour rechercher un bivouac acceptable dans le pinceau de sa frontale. Le long faisceau balaie comme un phare les environs des villages sans trop appuyer sur les fenêtres ni sur les jardins. Comme une longue effraction dans la nuit. Le butin sera bien maigre ce soir encore : un abribus un peu trop ouvert.
Le bivouac c’est un art. Un art que Nicolas ne maitrise pas. Il a bien rencontré Marion USS270 qui y excelle et lui a transmis quelques tuyaux mais il faut du temps pour progresser. Et en attendant, Nicolas dort peu, se caille au milieu de la nuit et se réveille grognon. Cependant il ne pense plus à abandonner car chaque heure de peine ajoute à l’investissement consenti. Il y a trop d’efforts endurés à défendre à présent. La seule raison qui pourrait justifier d’arrêter serait de se nuire à soi-même. Il n’en est pas là et ce corps étonnant qui tient… Il lui faut juste 3 croissants au café par rotation terrestre et un monceau de nourriture. Ses journées se passent en état de demi-conscience, ses gestes sont plus hésitants, ses décisions moins nettes, un pépin lui arracherait le dossard mais ça tient encore. Dans le flou.

Qui sont tes semblables ?
Quand tu roules, fini le sinistre bruit de l’actu. Nicolas voit surtout des gens biens, des beaux de la tête qui lui donnent de l’eau avec du sirop de cassis, des yeux émus par la simplicité et la folie de son parcours déraisonnable. Ses semblables l’aident et il les aime, ça le rend heureux. On lui aurait parlé d’eux à la radio, il les mépriserait déjà. Mais vus par-dessus le guidon : il les aime. Nicolas a remarqué qu’il pouvait avec égard, prévenance et considération, les bonifier encore. Un hôtelier qui reçoit un appel lui demandant s’il serait possible de s’arranger comme ci ou comme ça, il s’en fait un allié qui, de lui-même, proposera une solution, s’associera à l’aventure.
A l’opposé, le parcours rend plus brulantes les blessures causées par la lâcheté, la bêtise, la méchanceté. Certains motards, malheureusement, illustrent ces vices avec bien du talent. Il remercie ainsi le ciel de n’être pas parvenu à rattraper ce duo dont il eut probablement fallu qu’il vit le sang sur ses mains avant de revenir à la raison. Nicolas hurle juste de rage et d’impuissance. La chaleur fait disjoncter.
Tous les rafeurs ne sont pas des anges non plus, certains pris par leur « course » croient pouvoir s’autoriser à laisser le bordel et la saleté derrière eux. Nul besoin de préciser que ces racers-là ne sont pas ceux qui gagnent. En outre, plus la distance est courte et plus les rafeurs roulent au milieu de la route. « Gaffe les gars ! Ça énerve les cons ça ! Vaut mieux passer sur les gravillons que sous un camion ! » Leur glisse-t-il alors que des essaims de dossards 500km le décantent eux aussi. « -Et maintenant qu’on va plein Sud… ». Nicolas trouva les bases de vie un peu défoncées, comme si elles avaient essuyé une tornade lors du passage des grosses masses de coureurs. Seuls les bénévoles assurent jusqu’au bout, ils sont merveilleux même démunis.
Nicolas est toujours ébahi par l’abnégation d’Arnaud et de ses équipes. Il n’en voit que la surface mais Il sent comme les critiques doivent les blesser et comme pourtant ils tiennent bon. Quelle chance de les avoir ! Cette année, il a ressenti plus d’admiration encore pour la garde rapprochée du boss, pour ces lieutenants qui sous la pluie ou dans l’urgence tiennent à bout de bras H24 des pans entiers d’une course aux 4 distances grande comme la France. Il se le répète : « Ces mecs-là : Quelle chance qu’ils soient là ! Trop de rafeurs ne s’en rendent pas compte.»

Une histoire de cul
Pour pouvoir avancer l’esprit libre, il faut qu’il soit vide, propre, crémé et régulièrement soulevé de sa selle. Le fondement : c’est la base. Nicolas sait que c’est la cause principale des abandons, alors, il ne retarde jamais les égards dus à cet essentiel.
La chance, les lingettes Mercurochrome et 8 tubes de NOK maintiennent dans son cuissard un statuquo précaire et sensible. D’autres points sont critiques comme ses mains qui se désensibilisent à force d’appuyer sur le cintre, Nicolas perdait la sensibilité des doigts mais un réglage plus doux conseillé par le groupe RAF Facebook a stabilisé la situation au Km 700. Ses genoux le réveillent chaque nuit pour de brèves et fortes douleurs, il faut tout surveiller!
Et puis aussi il n’a jamais faim. La faim c’est trop tard, il faut toujours la devancer. Nico engloutit n’importe quoi dès qu’une place se libère, il mange tout et parfois ce qui lui fait envie sur le moment. C’est là le luxe sur la RAF, manger exactement ce qui nous fait envie et ce n’est pas toujours le cas. Bien des matins, Nicolas rentrait en trombe dans la première boulangerie qui propose du café, sa carte bleue à la main, dégouté d’avoir petit déjeuné d’une tranche de comté huileuse et d’un twix fondu par le soleil de la veille, son cerveau obnubilé par la perspective d’un grand crème et des croissants au beurre. Mais un pesant trio de ménagères disserte sur la meilleure manière dont devra être réalisé un gâteau pour un obscur baptême, une communion ou un repas dont le trio entend bien détailler le casting à la pauvre boulangère…. Trop long. Pas possible. Nicolas ressort sans rien et remonte sur son vélo. Il espère que la prochaine boulangerie aussi aura du café. Il faudra parfois attendre midi. Souvent des frustrations mais jamais la faim.

Le flow des vagues
Non, décidément Nicolas ne trouvait pas. Il était bien content d’aller si loin à la seule force des jambes mais c’était dur. Après quelques jours, et des rencontres sympathiques, il allait trouver ce qui serait la meilleure part du périple au milieu de ce qui en était la pire.
La fatigue créait chez lui des périodes d’abattement intense. Usuellement, il roulait de 4h du matin à minuit et le manque (de sommeil, de sucre, de chaleur, de repos…) le jetait par moment dans un vide d’énergie et de sens qui le démobilisait complétement.
Alors il patientait, il mangeait, dormait, et il se demandait comment il allait vendre à l’organisation de course le fait qu’il fallait le laisser finir en dépit de son retard. En dépit du fait que ce retard n’enfle encore avec le pourcentage de pente. La team d’Arnaud n’allait pas tarder à appeler Nicolas vu la raclée que les montagnes lui collaient.
Il repartait cependant, plein de caféine ou de crème glacée quand il le pouvait. Résolu, fataliste et calme, doucement d’abord. Mobilisant tous les moyens disponibles, il lançait toujours la musique dans ses écouteurs. En désespoir de cause, sa chère playlist Zwift.
Alors, parfois, une symphonie intérieure montait en lui en une vague d’abord lente puis irrépressible. Ses jambes étaient directement en prise avec la tâche à accomplir, sa tête n’était plus qu’une vibration musicale. Tout prenait sens, ainsi lorsque les Red Hots lui criaient dans les oreilles : Can’t stop, La vague ne pouvait plus s’arrêter.
Un univers prenait place en Nicolas et autour de lui. Nicolas éprouvait, tel le cavalier d’un cheval qui sent l’écurie, un surcroit de puissance indolore, illimité et jouissif. La pire côte n’était plus que l’occasion de pousser un peu plus. Mais il gardait les doigts sur les rênes afin de ne pas casser le précieux équilibre de cette profonde lame, de cette magie mécanique. Cette vague qui lui donnait le sentiment de pouvoir sans problème liquider tous les cols que tous les Bridous du monde oseraient placer devant ses roues. Il se sentait alors inarrêtable, serein, fort, et se souciait comme d’une guigne de ce que pouvait bien dire l’organisation. Sa vie était alors plus que juste ordinaire (more than just ordinary comme disait la chanson des Red Hots)

Bien que ne durant que quelque temps (1 heure ? 2 heures ?) après quelques jours, ces vagues devenaient quotidiennes. Parfois plusieurs fois par jour, parfois reprenant de plus belle et se renforçant.
Nicolas, accélérait alors sa pesante déambulation dans un trip et un plaisir non feint.
Alors il pleurait, criait, il tournait les monstres alpestres en dérision (« quoi mais c’est ça qu’t’appelle la Croix de Fer ?»), il chantait, il était seul dans un monde qu’il contrôlait, Nicolas aurait aimé partager son sentiment mais ne voulait plus parler à personne. Ce fut le trésor de son voyage.

T’es encore là ?
Après bien des jours de tourments misérables et frustrants, bien des apaisements gourmands et caféinés, bien des rires désespérés et des trips salvateurs, l’arrivée se profilait, toujours trop loin derrière toujours trop de montées mais la Méditerranée était là. Et, pleurant tous les jours, il versa logiquement une dernière larme dans la dernière pente sachant qu’il abandonnait ici, avec joie, une servitude extraordinaire. Un dernier message à ses amis, un ultime basculement dans la pente. Sa « victoire » ne pouvait plus lui échapper.
Le reste se fit tout seul comme dans un songe, l’arche, le T-shirt, la buche et la photo. Comme par automatisme et sans trop d’émotions, Arnaud était là, fidèle au poste jusqu’au dernier cycliste, son sourire timide, son habituel effacement flamboyant et argenté. Il les avait si longuement imaginés, scénarisés mais rien de tout cela, il ne s’effondrait pas, ne pleurait pas. Il savait juste que tout était fini. Le soulagement lui tenait lieu de joie. Il n’exultait même pas, il respirait juste plus librement. Il était temps de remercier. En s’allongeant pour dormir sur ses sacs empilés, arrivé dernier en solo avec quelques minutes d’avance sur le temps limite. Il était temps pour lui de refermer la RAF 2023.

Nicolas savait à présent que nulle révélation, nul club, ni aucune des satisfactions qu’il attendait depuis un an n’étaient au rendez-vous. Il avait juste rencontré des gens superbes devenus extraordinaires. Et il avait surtout senti la vie passer à travers lui hors du contrôle de sa raison. Il avait vu et senti son corps fonctionner au-delà de ce qu’il pouvait légitimement lui demander.

Avant ça, pour lui, le monde devait s’arrêter le 2 juillet 2023 à 17h31. Mais le 2 Juillet n’était pas l’épiphanie attendue. Le 2 juillet, Nicolas était juste redevenu le mec qui réserve des TER pour rentrer chez lui, le mec qui regarde le prix de la bouffe, celui qui s’inquiète, celui que les jeunes champions n’arrivent plus à tutoyer à cause de sa barbe blanchie, de ses fringues sales. Les signes de l’aventure étaient redevenus des négligences à raser, à laver. La magie était partie. Il s’était arrêté d’être simplement au monde. C’est juste cette échappée que la route avait offert pendant 10 jours et 10 nuits à Nicolas.

Les nuits de Nicolas
Le Touquet->

-> Lille (Base Vie)
-> Verdun (Bivouac abribus)
-> Wangenbourg (Hôtel 171 euros 1/2p)
-> CCK (Base Vie Mulhouse)
-> Jura (Bivouac)
-> Le Grand Bornand (Hôtel 110 euros)
-> Col de Chaussy (Hôtel 86 euros 1/2p)
-> St Jean en Royans (Base Vie Vercors)
-> Cayolle Ubaye (Hotel 97 euros pdej)
-> Verdon (Camping 26 euros)

-> Mandelieu

Le matériel de Nicolas
Le Vélo : Girs RNR ultra : parfait ! Aucun réglage, aucune crevaison (pneu Conti AS TR neufs= de bonnes chaussures de rando increvables)
Electronique : Garmin Edge 1030 plus : parfait = certainement le meilleur GPS sur le marché au moment de cette RAF 2023
Lampes arrières Bontrager FLARE RT : les 2 cramées sous la pluie du Vercors. Ne pas les laisser au voisinage de la roue sous la pluie.
Capteur de puissance Stages : cramé sous la pluie, un peu handicapant de faire des jours sans mesure de puissance.
Selle : Brooks B17 Special Titanium : bien = la moins pire des selles qu’il ait trouvé après avoir beaucoup cherché.
Le reste du matos : Nicolas s’est largement inspiré (il a tout copié en fait) de ce que recommande Seb Saint Jalm. Un choix de raison qui paye (et fait raquer)

La Playlist de Nicolas
· Red Hot Chili Peppers: Can’t Stop
· Cream : White Room
· Bouga : Belsunce Breakdown
· MC Hammer: U Can’t touch this
· Saint Etienne: Nothing can Stop Us
· Demon: You are my high
· Hoshi: Migracoeur
· Joydivision : Love will tear us apart
· Peter Gabriel: Sledgehammer
· …

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MessagePosté: Samedi 15 Juillet 2023 22:28 
Bravo pour ce CR "out of the blue" ....

Et pour compléter la pertinente bande son d'un garçon également blanchi sous le harnais =

Desert Sessions - A girl like me (PJ Harvey)
Les cow boys fringants - L'Amérique pleure


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MessagePosté: Dimanche 16 Juillet 2023 11:50 
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Enregistré le: Jeudi 04 Mai 2017 21:30
Messages: 939
laurent a écrit:
Bravo pour ce CR "out of the blue" ....

Et pour compléter la pertinente bande son d'un garçon également blanchi sous le harnais =

Desert Sessions - A girl like me (PJ Harvey)
Les cow boys fringants - L'Amérique pleure

L amerique pleure je survalide ! pour le prochain voyage je l emmene merci

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