Lovato, Smith et DeBoom: comment construire une victoire?

Trois histoires qui prouvent pourquoi on est le meilleur par Timothy Carlson –

Alors que les distances plus courtes peuvent permettre à des triathlètes élites de passer la ligne d’arrivée tels des dragsters, le longue distance, quant à lui, comporte plus d’aléas qui chamboulent le classement

Le longue distance exige la connaissance de soi et une capacité très pointue de savoir jusqu’à quel point de non retour on peut pousser sa propre limite.Dans cette discipline, une seule épreuve (comme un leitmotiv) est dans la tête de tout triathlète, le championnat du monde d'Ironman à Hawaï. Tout autre Ironman n’est qu’un passeport, une façon de tester sa forme physique tôt dans la saison, un processus pour savoir si vous allez pouvoir le faire comparable à une très longue séance d'entraînement.

Les courses comme l'Ironman d’Arizona permettent de perfectionner la stratégie quant à son alimentation et à sa dépense précise et opportune de son énergie,les choses subtiles qui vont faire la différence et qui vous conduiront soit au succès soit à la catastrophe.

Dans les films style « Rocky » où la concurrence est vue comme dans un conte de fées où les bons triomphent de façon mièvre, mais dans la réalité, ce qui fait la différence, c’est une grande sagesse et maîtrise très calculées dans la façon d’avancer sur la course soit à la manière : appuyer sur l’accélérateur avec la douceur d’un archer sur un violon, soit appuyer sur celui-ci avec bravoure comme un forcené. Qu’en pensez-vous ?

Pour vous faire une opinion, lisez juste les histoires de ceux qui ont fait le podium 2006 de l' Ironman d’Arizona.

Lovato : un gagnant à part entière

Lovato était un amateur doué sévissant au Texas, puis il franchit une seconde étape après avoir gagné à Buffalo, du même coup il gagnait un slot pour Hawaai, le rêve, il devint pro. Très tôt en 2000, il s’exporta à Boulder et commença à travailler sous la direction du champion Dave Scott 6-fois vainqueur d’Hawaii. Son engagement total,son travail sérieux ont été pour beaucoup dans sa victoire,sous une chaleur torride à Alene,Ironman inaugural en 2003.Son ascension parmi les élites s’est confirmée par sa neuvième place la même année à Hawaii.

En 2004, il a confirmé avec une troisième place au demi ironman de Disney et une quatrième place à Roth.

En 2005, Lovato a travaillé dur pour progresser mais obtint des résultats mitigés : 2éme sur l’Ironman d’Arizona, mais son 8:42 était un bon repère comparé à celui rapide de Faris Al Sultan's 8:25. A Alene en juin 2005, Lovato a fait une percée significative avec un vélo de 4:38:50, puis a rétrogradé à la 3éme place en course à pied. Malade et blessé à Hawaï, il a dû finir en marchant en plus de 10 heures.

Comme à Alène en juin 2005,Lovato s'est senti fort à vélo après une natation médiocre en 52:59.Au 160éme Kms,il avait rattrapé les meilleurs nageurs,François Chabaud, Spencer Smith, et Tim DeBoom pour prendre la tête.Mais il est resté calme bien qu’il ait réalisé le meilleur temps vélo 4h30m25s.

"j’ai senti que j’étais bien,que j’avais fait pendant toute la course un effort contrôlé,sans jamais me mettre dans le rouge,bien qu’ entre le 120 et 130éme Kms,j’ai dû lutter contre un vent très violent. Mais j'ai essayé d'être raisonnable et de forcer quand j'ai eu besoin."

Ce que Lovato se rappelle ce n’est pas son vélo de fou à Alène mais sa course à pied en 2005.

"Je suis descendu de vélo trop agressif,j’ai couru 10 milles au rythme de 6-minutes par mile pour prendre la tête.Mais je l’ai payé et de la première place,j’ai rétrogradé à la 3éme.

A Tempe, bien qu’il ait rattrapé les coureurs dangereux, Spencer Smith, Chabaud et DeBoom sur ses talons,il a décidé de le jouer sagement.

"Je dirais que j'étais un peu paniqué d’être en première position,car je n'avais jamais été en tête après le vélo sur Ironman," dit-il"mais cela signifiait juste que j'étais devant et que je ne savais pas ce que les autres faisaient derrière moi.J'ai juste pensé,qu’il fallait que je fasse quelque chose de très bien et de me persuader que ce je faisais était mieux qu’eux. »

Lovato s'est également obligé à garder un rythme constant,commençant par 6:25 par mile et augmentant seulement de quelques secondes par mile vers la fin. Et c’est comme cela que Spencer Smith, malgré ses victoires en Floride et au Brésil et 2 fois champion du monde d'Itu, termine loin derrière alors que Lovato courre le mile en 80 secondes à partir du mile 23.

"C’était une course très dure,de toute façon" a dit Lovato,très cool."Je n'ai jamais battu Tim (DeBoom)avant, et la dernière fois où j'ai lutté avec Spencer?c’était il y a trois ans (où, en cap au Kms 5,Lovato a rattrapé un Smith en surchauffe,qui avait fait explosé la machine en poussant trop dur sur le vélo.)Je ne répéterai jamais assez combien c’est excitant d’avoir fait cela aujourd’hui. »"Bien que le parcours vélo soit légèrement plus facile (pas autant de tours en vélo, une partie de la cap sans partie montante), et des conditions climatiques légèrement plus faciles (plus chaudes, mais beaucoup moins de vent)le temps global de Lovato 8 :20 :56 est inférieur de 5 minutes à celui de Faris Al-Sultan. Lovato a amélioré son temps de 2005 de 22 minutes,dont 18 m pour le seul vélo.
La qualification pour Hawaii maintenant en Poche, moins de pression sur les autres courses, le triathlète de Boulder est prêt à escalader encore quelques échelons pour bien figurer sur le grand rendez-vous d’octobre.

Spencer Smith le second.

Tout comme Lovato, Spencer Smith a 32 ans, un triathlète fin prêt pour remporter un longue distance.Mais la longue, riche et heureuse carrière de Smith,les nombreuses luttes qu’il a dû surmontées,le fait croire plus mûr.Smith a été champion du monde junior à 18 ans, puis a été sacré 2 fois champion du monde distance olympique ITU en 1993 et 1994.Il a régné sur beaucoup d’épreuves sans drafting dans le Nord de l’Amérique comme Chicago.

Tel un taureau pétri de force,de volonté,vif, Smith donne l’impression de prendre chaque course à bras le corps,toutes voiles dehors.Il a la réputation d’être un perfectionnisme dont le seul but est de gagner:çà passe ou çà casse.Si les choses ne se passent pas comme prévu et qu’il sent qu’il n’a plus aucune chance de gagner,il se retire comme Picasso qui jetait une toile même si elle ne comportait qu’une infime imperfection.

Les jours fastes de Spencer ont été ceux qu’il a passés avec son père Bill, qui lui a servi de meilleur ami,de directeur,d’agent,d’entraîneur. Mais tout s’est écroulé à la mort de celui-ci. À l'âge 25,Smith s’est décidé pour relever le défi de l'Ironman et termine à une 5ème place impressionnante pour son premier en 1998,mais il fut convaincu de dopage à la nandrolone quelques jours après.Cela prit deux ans devant une cour suisse - qui jugea que son échantillon avait été mal analysé- pour le déclarer innocent.La défense de Smith lui a coûté plus de $100.000 – et n’a pas levé tous les soupçons.Pendant cette période, Smith a intégré une équipe professionnelle de cyclisme mais il est revenu à ses premières amours le triathlon,et a rapidement repris la place qu’il avait laissée : Ironman en Floride en 2001 (8:21:30),Ironman du Brésil en 2002 (8:15:39).

En 2002, nouvelle malchance, Smith à Kona, après deux sanctions pour drafting a été disqualifié.

En 2003, Smith fit tout pour se replacer dans le haut de l’élite, mais à Alène sous un temps brutalement chaud,il explosa en course à pied bien qu’ayant fait un temps canon au vélo, laissant à Lovato une première victoire sur Ironman.

En 2004,il était en tête avec un groupe à l’ Ironman d’ Autriche quand il a été heurté par un groupe d’âge et a dû s’arrêter pour se faire soigner,tuant tout espoir de gagner la course. Plus tard cette même année, des blessures à la cheville lors de l’entraînement lui ont gâché une partie de la saison.

En juin 2005, Smith, victime d’un grave accident de voiture alors qu’il roulait à vélo,il faillit mourir,bilan: clavicule cassée, six côtes cassées et contusions diverses et innombrables.

2006: Après une troisième laborieuse place à l Ironman 70,3 en mars en Californie, l’'Ironman d’Arizona était, en tous cas, l’occasion d’une rédemption pour Smith.

Smith est sorti en tête de la natation en 48:41,il entame le vélo en 2éme position derrière Chabaud.

"Je n'ai pas voulu aller avec François," dit Smith."Je pensais que c’était trop tôt,beaucoup trop tôt.Aussi,je me suis rappelé Aléne en 2003 et Je me suis dit, non,je ne recommence pas cette fois. Je ne suis pas en condition pour refaire ceci«

En effet, Smith a eu raison. A la fin du vélo, un Lovato en forme, aidé par Smith et Chabaud, fit qu’il respecta sa stratégie de course. Mesurant le temps chaud et sec,Smith se dit que ce serait une course qui ferait se sortir les tripes du ventre.

"Je ne me rappelle pas avoir connu des conditions aussi difficiles sur une épreuve, en dehors d’Hawaii « dira-t-il.

Smith avait calqué son effort sur la course de François Chabaud, mais celui-ci abandonna assez rapidement à la course à pied.Pendant que Smith accélérait pour combler son retard de 2 minutes sur Lovato, le fait de soutenir un tel rythme fera dire à Smith :

«Il me sembla que c’était un étranger qui faisait cela à ma place.Cela m'a paru étrange parce que cela faisait longtemps que je n’avais pas occupé une telle position.Je perdais du temps.Mais de pouvoir soutenir une telle intensité pendant aussi longtemps fut quelque chose de fort"

Il y avait presque 4 ans que Smith n’avait terminé un ironman sans échouer.Mais près de la fin,la victoire était en jeu.Il voyait Lovato sur les longues portions droites,il revint sur lui à 1mn20.

"Au mille 23, j'ai essayé d’accélérer mais je ne pouvais faire plus" dira-t-il.

C’est en homme sage et heureux, avec une confiance retrouvée que Smith a franchi la ligne à 2m52s de Lovato et une prime de $8.000.

"Pendant ces années noires,il y a eu beaucoup de commentaires désobligeants," a dit Smith. Mais je suis une personne forte et j’ai décidé que je reviendrai.J'ai toujours cru en mes capacités, et personne ne pourra aller contre cela.J'ai eu beaucoup de malchance et des coups durs,mais mes capacités demeurent."

Tim DeBoom le troisième .

Il semble un peu étrange,même choquant,que Tim DeBoom aborde la saison 2006 sans stress, calmement,humblement.Mais c'est ce qui est réclamé par le monde exigeant du longue distance.Et de temps en temps même les mortels doivent en passer par là.Et même l’homme qui a eu le talent, la force et la volonté pour remettre l'Amérique sur les tablettes de Kona, par 2 fois mettant un terme aux 6 victoires de Allen.

En 2002 victoire à Hawaii.

2003, un début de saison brillant : victoire à l’Half Ironman de Californie,une victoire à Wildflower,une à Eagleman.Puis,en allant chercher une 3éme victoire à Hawaï,Tim DeBoom était en bonne position,se battait en duel avec son vieux rival et ami Peter Reid,quand il fut pris de douleurs rénales.Cinq miles plus tard, après avoir pourtant insisté,il dut renoncer et monter dans l’ambulance.

»Je pense que l‘Ironman était une vraie chance pour moi," a dit DeBoom, dont le beau regard de star de cinéma est assorti d’une certaine dureté à la Steve McQueen. Après avoir couru avec des calculs aux reins, l'année suivante il court le marathon à Hawaï avec une fracture de fatigue à la jambe. DeBoom est cependant demeuré stoïque et n’a pas jugé nécessaire de faire savoir à tout le monde combien il avait souffert. Néanmoins, trois ans après, il admet qu'il a été secoué alors qu’il récupère à côté de Spencer Smith dans la tente de presse à l’arrivée de la course.

"Je suis sûr que Spencer peut l’affirmer lui aussi,revenir d’aussi loin ajoute au défi que l’on s’est imposé,cependant vous vous demandez si vous faites bien, si à 40 ans,vous n’allez pas le payer. »

En fait,après une série d’ennuis,de méforme sur les courses et une inexplicable disqualification à Hawaii, plusieurs de ses amis se sont demandés s’il n’avait pas perdu le feu sacré.
"ouais," dit De Boom. "J'ai commencé à me le demander moi-même.Après 2 années décevantes, vous commencez à penser que les choses vont de travers.Et cela a continué pour moi en 2003.Je n'ai pas su si c était mental,physique ou autre chose.Aussi j’ai essayé d'approcher cette année différemment.Juste revenir à quelque chose de simple mentalement et physiquement."

Le plan de DeBoom était de faire une bonne base foncière de kilométrage.En tant que champion du monde d'Ironman,je n’avais pas à m’inquiéter de ma qualification pour Hawaii. Mais en dépit d’un bon travail,j’avais des raisons d’être inquiet en m’attaquant à l’ironman d’Arizona en début de saison.

"Je vais faire un deuxième Ironman car c’est nécessaire d’acquérir de la puissance »a dit DeBoom."J’ai décidé de faire celui-ci tout simplement comme préparation de base"

En effet, DeBoom a nagé ses 49 minutes habituelles, et 4H38 sur le vélo."J’ai dû les laisser partir à vélo," a dit DeBoom."Je n'ai pas voulu exploser car je savais que ma forme n'était pas tout à fait là."

Il avait un retard de 5 minutes au vélo mais le meilleur temps course à pied.Si cela avait été un championnat du monde,DeBoom aurait été le favori.Mais c'était Eenavril,et d'autres choses étaient en jeu.

"Mon objectif était de finir fort dans le 3éme tour et de franchir la ligne d’arrivée.Une illustration parfaite de sa progression calme et de son bon résultat :3éme. "Mais avec mon manque d’entraînement ce fut très dur.Je luttais. Parfois j’ai dû prendre quelques récupérations sur le parcours,ralentir et repartir."

Un signe de ses dons 2:54:43 est un des 5 meilleurs temps de ce jour.Il a franchi la ligne en 8h27." D’une façon globale je suis content de moi," a dit De Boom.

A 35 ans, il sait que la seule course qui compte vraiment est Hawaï et « tout ce que vous faites pour le gagner devrait être pris en considération et jugé en tant que tel. Mission accomplie."

Ce que ces 3 champions ont montré en Arizona n'était pas un déploiement de courage mais de sagesse qui s’acquière après des années de souffrance sur les courses, et également qu’il faut être plus « futé » que rapide.

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