Stéphane PALAZZETTI (Docteur en Sciences du Mouvement Humain)
Les triathlètes à l'entraînement et/ou en compétition souffrent fréquemment de troubles gastro-intestinaux : nausées, vomissements, éructations, brûlures d'estomac, ballonnements, crampes abdominales, diarrhées... Les mécanismes explicatifs de ces différents désordres gastro-intestinaux, rapportés par les triathlètes, restent encore pour la plupart hypothétiques. Dans la littérature scientifique, différents processus physiopathologiques ont été pressentis. Parmi ceux-ci, nous pouvons évoquer les facteurs cardio-vasculaires, mécaniques, biochimiques, nutritionnels et psychologiques.
Redistribution du débit sanguin…
Au cours de l'exercice musculaire, le débit sanguin splanchnique (intestin, foie) diminue proportionnellement avec l'augmentation de l'intensité de l'exercice au profit des muscles actifs et de la peau. Cette diminution du débit sanguin splanchnique à l'exercice a pour conséquence l'altération de l'intégrité de la muqueuse intestinale pouvant conduire à une augmentation de sa perméabilité. L'augmentation de la perméabilité intestinale favorise ainsi l'invasion de bactéries et/ou la fuite de leurs toxines (endotoxines) dans la circulation systémique. Ce phénomène appelé endotoxémie transitoire a été mis en évidence à la suite de l'Embrunman 1996, l'un des triathlons les plus difficiles au monde. Cependant, il n'y avait pas de lien de causalité directe entre cette endotoxémie transitoire et l'apparition des symptômes gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées) rapportés par une partie des " finishers ". Il a alors été évoqué, que les processus inflammatoires et la libération de cytokines (dont les interleukine-6), processus stimulés par l'endotoxémie transitoire mais également consécutivement aux dommages musculaires générés lors d'une épreuve de longue durée fortement traumatisante, seraient directement impliqués dans l'apparition de ces désordres gastro-intestinaux
A savoir : La déshydratation consécutive à une hypohydratation est responsable d'une diminution du volume sanguin total (baisse du volume plasmatique), et donc de l'amplification de ce phénomène.
Conseil 1 : Consommer le dernier repas pré-compétitif au moins 3 heures avant le début de la compétition afin d'optimiser la phase digestive.
Conseil 2 : Un pesage avant-après une séance d'entraînementRespecter le principe de progressivité dans l'entraînement (volume et intensité) et limiter les séances d'interval-training à très haute intensité en cas de troubles gastro-intestinaux fréquents.
Vibrations mécaniques dommageables lors de la pratique de la course à pied…
La prévalence des symptômes gastro-intestinaux est renforcée dans le cas de la pratique de la course à pied comparativement à la pratique de la natation et du cyclisme. En effet, les fortes vibrations mécaniques générées par la pratique de la course à pied induisent une altération mécanique de la muqueuse intestinale, par frottements et distension, et ceci favoriserait la fuite d'endotoxines dans le territoire sanguin et donc des désordres gastro-intestinaux secondaires. Par ailleurs, il a été évoqué que l'hypertrophie du muscle psoas, consécutif à la pratique de la course à pied, pourrait être une des causes probables de troubles gastro-intestinaux observés chez le triathlète en raison de la compression du muscle psoas sur le tube digestif.
Modifications biochimiques…
Certaines modifications biochimiques observées dans le cas de la pratique de la course à pied ont une implication dans l'étiologie des troubles gastro-intestinaux. Les reflux gastroesophagiens, vomissements, crampes abdominales, diarrhées associés à la pratique de la course à pied peuvent être les conséquences d'une production accrue de prostaglandines par le tube digestif. D'autre part, l'ischémie mésentérique associée à la stimulation mécanique de la muqueuse intestinale provoque une libération de polypeptide vasoactif intestinal stimulant la sécrétion intestinale, diminuant l'absorption intestinale et pouvant provoquer un épisode diarrhéique.
Apports nutritionnels…
Il existe une très forte relation entre les pratiques nutritionnelles en compétition et les désordres gastro-intestinaux. En effet, plus le triathlète consomme une boisson de l'effort de type hypertonique et des aliments riches en fibres, graisses et protéines, et plus le risque de troubles gastro-intestinaux augmente.
A savoir : Au cours de l'exercice, la consommation d'une boisson de l'effort a pour objectif de remplacer les pertes sudorales et d'apporter les glucides nécessaires à la production d'énergie. Après ingestion de la boisson, la vitesse de réhydratation est à la fois dépendante de la vitesse de la vidange gastrique et de l'absorption intestinale. En ce qui concerne la vitesse de la vidange gastrique, celle-ci est principalement dépendante de la concentration en glucides de la boisson (l'hypertonicité réduit la vitesse de la vidange), de l'intensité de l'exercice (la vitesse de la vidange est ralentie au-delà de 80% de VO2 max), du mode d'exercice (la vitesse de la vidange est ralentie dans le cas de la course à pied comparativement au cyclisme), de la température de la boisson ingérée (réduction de la vitesse de la vidange en condition de températures extrêmes), des conditions thermiques environnementales (l'hyperthermie ralentie la vitesse de la vidange) et du volume ingéré. L'absorption intestinale est quant à elle principalement influencée par la concentration en glucides de la boisson (l'hypertonicité diminue l'absorption), le type (glucose, sucrose, dextrose, fructose, maltodextrines… ont des mécanismes de transports au niveau de la paroi intestinale qui diffèrent) et le nombre de glucides ingérés (plus le nombre de glucides différents ingérés est élevé et plus la quantité de corps dissous et d'eau absorbée sera importante).
Conseil 1 : La vitesse de la vidange gastrique étant ralentit par l'hypertonicité de la boisson, il est donc particulièrement recommandé de consommer une boisson de type hypotonique contenant des glucides sous forme de maltodextrines (70 à 80%) et de fructose (20 à 30%) et légèrement sodée afin de renforcer la palatabilité.
A savoir 2 : Bien que la plupart des symptômes gastro-intestinaux ne soient qu'aigus et transitoires et n'aient pas ou peu d'incidence sur la santé, la chronicité des saignements gastro-intestinaux - conséquences d'épisodes ischémiques délétères - observés à la suite d'entraînements et/ou de compétitions sollicitant, peuvent, si les apports alimentaires en fer ne sont pas optimisés, perturber le métabolisme du fer chez le triathlète.
A noter : La consommation d'une forte quantité de vitamine C peut être une source de désordres gastro-intestinaux.
Conseil 2 : Limiter les apports lipidiques et protéiques lors du dernier repas pré-compétitif car ils sont responsables du ralentissement de la motilité gastrique.
Conseil 3 : Limiter la consommation d'aliments soufrés (brocolis, oignons, haricots) et riches en fibres les jours précédents la compétition.
Conseil 4 : Privilégier une alimentation liquide avant la compétition.
Conseil 5 : Ne jamais tester de nouveaux produits de l'effort en compétition.
Conseil 6 : Consommer en compétition et à l'entraînement, en automne, hiver et printemps, 60 à 70 grammes de glucides par heure (soit 1 à 1,1 grammes de glucides par heure) et par petites fractions, sous forme liquide (boisson hypotonique : 30 à 40 g de glucides sous forme de maltodextrines et de fructose pour un bidon de 500 mL), solide (barre) et/ou semi-liquide (gel) afin d'optimiser la capacité de performance. En période estivale, en raison de l'altération de la vitesse d'oxydation des glucides, il est recommandé de consommer 50 à 60 grammes de glucides par heure.
Conseil 7 : Eviter les régimes drastiques, inhabituels, la semaine précédent la compétition (exemple, régime dissocié scandinave).
Stress psychologique…
Le stress psychologique est également une des causes génératrices de désordres gastro-intestinaux en période pré-compétitive. En effet, sur 57% des athlètes qui présentent un épisode diarrhéique dans l'heure qui précède le début de la compétition, 32% d'entre eux évoquent des symptômes similaires lors de stress émotionnels.
Remarque :
Lors des épreuves de longue durée réalisée à faible intensité, la prévalence des nausées et vomissements est fortement corrélée à la consommation d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens (aspirine, ibuprofène). Ces derniers sont responsables de l'augmentation de la perméabilité gastro-intestinale.
Peut-on s'adapter pour prévenir les troubles ?...
Comparativement aux systèmes cardiovasculaire et musculaire, le système digestif ne s'adapte pas avec la charge d'entraînement. Les symptômes gastro-intestinaux peuvent être diminué à l'exercice avec l'entraînement lorsque l'intensité est exprimée en valeur absolue (exemple, km/h) mais ne le sont plus lorsque l'intensité est exprimée en % de VO2 max. En d'autres termes, pour un même niveau d'exercice donné (exemple, course à pied à 13 km/h), le débit sanguin intestinal est moins diminué en réponse à un cycle d'entraînement. En revanche, les traumatismes mécaniques des viscères abdominaux ne sont quant à eux pas modifiés.
Mais aussi…
Les triathlètes féminines sont davantage concernées par les désordres gastro-intestinaux comparativement à leurs homologues masculins, et ceci indépendamment de leur cycle menstruel.
_________________ Ahhh merdouille !! encore un blog à la con: www.bilbo-wheel.over-blog.com
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