Comment peut-on être vétéran ?
Vétéran à 40 ans... Beaucoup d'entre nous se sont un peu moqués de cette nouvelle appellation qui leur collait soudain à la peau. Dominique Milou est triathlète vétéran. Dressons le portrait d'un représentant de ceux qui sont de plus en plus nombreux dans notre sport
Le mot vétéran vient de l’adjectif latin "vieux". Les vétérans seraient donc des vieux, non pas des seniors comme le dit pudiquement notre siècle qu’envahissent de plus en plus les sexagénaires, mais des êtres usés, bons à jeter, comme on jette aux ordures de vieux ustensiles
Le seul problème, c’est que, pour les instances chargées de réglementer les sports, on devient vétéran à 40 ans.
A 40 ans, est-on vieux pour autant et quelle est la part des quadragénaires et plus dans une activité sportive aussi exigeante que le triple effort ?
Pour le savoir, je suis allé à la rencontre de Dominique Milou, cinquante deux ans, triathlète vétéran et cheville ouvrière incontournable du club de Dijon Triathlon.
Nous avions pris rendez-vous. Dominique Milou m’attendait sur le pas de la porte. Nous sommes entrés dans le salon spacieux de la grande maison qu’il habite sur les dessus, à l’ouest de Dijon.
Nous nous sommes installés sur deux canapés en vis à vis, à trois bons mètres l’un de l’autre, comme si, pour cet exercice périlleux de l’interview, il convenait de garder ses distances.
"Ce ne sera pas facile, m’avait prévenu Sophie, la présidente, Dominique a horreur que l’on parle de lui".
Muni de ces précieux conseils, j’ai commencé par le moins personnel : le triathlon, le club, l’époque héroïque, pour arriver peu à peu au tri athlète lui-même.
Un tiers de vétérans
Dominique m’explique, graphiques à l’appui, que le club de Dijon Triathlon compte 51 vétérans pour 143 licenciés, soit un tiers de l’effectif !
Même si l’on excepte une poignée de licenciés dirigeants, il reste qu’une bonne proportion des membres du club qui pratiquent la compétition sont des vétérans.
Selon Dominique, ce constat, qui n’est pas spécifique au club de Dijon, n’est pas étonnant : la pratique des trois disciplines demande beaucoup de temps et nombre de jeunes abandonnent la compétition pour poursuivre leurs études.
Ils y reviennent plus tard, parfois après avoir usé les charmes d’une autre activité sportive, comme le foot, le rugby… et pour peu qu’ils persistent quelques années, on les retrouve vétérans. Et si les parents amènent parfois leurs enfants à la compétition, le contraire existe aussi et l’on a alors des familles de triathlètes.
"Il y en a plusieurs au club", ajoute Dominique.
Après 40 ans, le déclin ?
Pour Dominique, le passage dans la catégorie des vétérans n’est pas forcément synonyme de déclin.
Au cours de la dernière saison, en Vétéran 3, sur 10 triathlons, Dominique précise avoir terminé 8 fois premier, 1 fois deuxième et une fois quatrième, dans sa catégorie d’âge.
Au classement scratch, il se situe régulièrement dans le premier quart ou le premier tiers du classement.
"C’est à cinquante ans que j’ai réalisé mes meilleurs temps, en valeur absolue, bien sûr" ajoute Dominique.
Il explique : "En course à pied, c’est clair, les performances diminuent avec l’âge et l’objectif, c’est d’essayer, année après année, de conserver un niveau relativement constant. Entre quarante et cinquante ans, ça peut être jouable.
En natation, où la technique est essentielle et en vélo où le matériel et l’entraînement comptent pour beaucoup, on peut progresser de façon non négligeable".
Des compétitions, il en a fait. "J’ai tout noté" dit-il. Comme beaucoup de sportifs. Sur un tableau excel, on retrouve tout en effet. D’abord les 76 courses sur route qu’il a disputées depuis 1985, courses auxquelles il faut ajouter 10 marathons.
Au plan des triathlons, le chiffre est beaucoup plus impressionnant encore, puisque l’on compte 164 épreuves. "Dont 4 fois Embrun, mais jamais un 'découverte'" précise-t-il.
Un pari stupide
Lui-même est venu au triathlon après 15 ans de foot, à la suite d’un pari »stupide » qu’il avait fait en compagnie de trois copains : faire le tout nouveau triathlon de Dijon.
Il devait y avoir entre 1500 et 2000 mètres de natation, 70 kilomètres de vélo et une vingtaine en course à pied, avec, pour cette dernière discipline, un parcours qui montait jusqu’à Corcelles-les-Monts.
"C’était début Juin, l’eau du lac était glaciale, j’ai dû sortir avant dernier, en brasse car je ne savais rien nager d’autre. Avant de sauter sur mon vélo, équipé d’un porte bagage et de la lumière…"
C’était il y a 22 saisons de ça, en 1984.
"J’ai pris ma première licence en 1985, le club, qui allait devenir Dijon Triathlon, s’appelait à l’époque les félins". D’où mon surnom.
Dominique Milou précise : "Le triathlon, en France, existe depuis 25 ans seulement. C’est un sport très jeune si on le compare à beaucoup d’autres".
"A l’époque, raconte Dominique, la Télévision donnait une image apocalyptique du triathlon, montrant les triathlètes titubant à l’arrivée, accrochés aux barrières dans les derniers mètres…"
Depuis une quinzaine d’années, Dominique est secrétaire du club, assurant le suivi des questions administratives et surtout l’organisation du triathlon de Dijon. Secrétaire, mais pas président. "Ce n’est pas mon truc", dit-il.
La vie d’un triathlète vétéran
Le triathlon lui impose-t-il une hygiène de vie ?
"Ce n’est pas une obsession, répond Dominique. Bien entendu, il faut s’alimenter correctement pendant les jours qui précèdent une compétition, mais la vie doit rester un plaisir !"
Son entraînement de vétéran ?
Deux fois une heure de natation par semaine, avec des copains triathlètes, entre midi et deux. "Il y en a toujours un qui a un plan d’entraînement que je peux suivre…"
Deux ou trois sorties à vélo, selon l’emploi du temps que lui laisse son travail et selon le temps qu’il fait. Entre 70 et 100 km par sortie.
Trois ou quatre sorties de course à pied par semaine enfin, dans les bois ou le long d’une petite route. Des sorties un peu plus longues en ce moment, en préparation du marathon de Gueugnon, où il part pour 3h10 à 3h15.
Ainsi va la vie d’un triathlète vétéran…
Notre entretien tire à sa fin. Dominique m’accompagne sur le seuil de sa porte, silhouette presque frêle dans un léger chandail noir, en cette fin du mois de mars, alors que souffle une brise fraîche venue de l’ouest, la direction des vents dominants, la direction vers laquelle il faut partir à vélo pour revenir sans trop d’efforts.
Devant nous, dépassant de peu du niveau des haies voisines, les plateaux plantés de chênes qui dominent la vallée du Suzon marquent l’horizon d’une ligne colorée.
Nous y portons notre regard et la même pensée nous vient : comment ne pas aimer le sport de pleine nature dans un tel environnement ?
Interview réalisée par Jacques Miroz.
_________________ Ahhh merdouille !! encore un blog à la con: www.bilbo-wheel.over-blog.com
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