SUITE DU FEUILLETON...........
De nouvelles révélations ébranlent le cyclisme
LE MONDE | 02.07.07 | 16h21
Quelques jours avant le début du tour de France, qui s'élance de Londres le 7 juillet, et un mois après la cascade d'aveux de quelques anciens coureurs de Telekom, le cycliste allemand Jörg Jaksche a livré à son tour un témoignage spectaculaire sur les pratiques de dopage qui ont cours, selon lui, dans le cyclisme professionnel.
ENCADRE
Vinokourov s'explique sur ses liens avec le docteur Ferrari
Le Kazakh Alexandre Vinokourov, l'un des grands favoris du Tour de France, s'est expliqué sur sa collaboration avec le médecin italien Michele Ferrari en la limitant à la préparation physique et en excluant tout dopage. "Michele Ferrari est un préparateur physique mais pas mon médecin, a déclaré Vinokourov au journal L'Equipe dans son édition de samedi 30 juin. J'ai seulement écouté des gens, comme Mario Cipollini, qui en disaient le plus grand bien. (Lance) Armstrong aussi travaillait avec lui. Je ne voulais pas me priver de cette expérience, je l'ai contacté." Le préparateur italien, à la réputation sulfureuse, a été condamné en première instance en 2004 pour fraude sportive et exercice abusif de la profession de pharmacien avant d'obtenir un jugement en appel favorable au printemps 2006.
Dans un long entretien paru lundi 2 juillet dans le magazine Der Spiegel, le coureur âgé de 30 ans, ancien de l'équipe Telekom (devenue T-Mobile), actuellement sous contrat avec l'équipe italo-russe Tinkoff, reconnaît avoir pris depuis 1997 des produits dopants, notamment de l'EPO et de l'hormone de croissance. Il reconnaît également avoir été en 2005 et 2006 le client du médecin espagnol Eufemiano Fuentes, cerveau présumé d'un vaste réseau de dopage sanguin démantelé en mai 2006. Plus de 50 coureurs professionnels, dont Jan Ullrich, qui nie tout dopage, sont soupçonnés d'avoir été approvisionnés par le médecin espagnol.
Le coureur allemand, vainqueur de Paris-Nice en 2004, brosse avec précision le fonctionnement de ce système, notamment à partir de son expérience au sein de l'équipe italienne Polti (1997, 1998), de Telekom (1999, 2000), puis de l'équipe espagnole ONCE (de 2001 à 2003). De nombreuses anecdotes jalonnent son récit, à commencer par celle du Tour de France 1998, où il raconte comment son équipe avait dissimulé 10 000 ampoules d'EPO dans le double-fond d'un aspirateur - l'objet promu par l'équipe Polti.
(c'est Virenque qui était aussi chez Polti, après Festina...
mais quelle année ?)
Tout au long de l'entretien, plusieurs noms sont cités, soit parce qu'ils étaient au courant du système, soit parce qu'ils y ont activement pris part. Tous démentent ces informations, à l'image de Jens Voigt, coureur chez CSC, de Walter Godefroot, l'ancien manager de l'équipe Telekom et actuel directeur sportif chez Astana, de Gianluigi Stanga, l'ancien chef d'équipe de Polti - aujourd'hui chez Milram - ou du favori du Tour de France, Alexandre Vinokourov.
De leur côté, les fédérations sportives allemandes ont salué la confession du cycliste : "Cela arrive tard, mais après tout on a besoin de personnes qui brisent le silence sur des structures en partie mafieuses pour avoir le problème en main", a souligné Rudolf Scharping, le président de la Fédération des cyclistes allemands (BDR). Même son de cloche auprès du président de la Fédération sportive olympique allemande (DOSB), Thomas Bach : "Si Jaksche se met à disposition comme témoin principal, nous voulons bien l'utiliser."
Ce nouvel aveu risque de dégrader un peu plus l'image du cyclisme professionnel. Les deux chaînes allemandes de télévision publique ZDF et ARD, qui consacrent ensemble 90 heures au Tour de France, avaient menacé d'interrompre la retransmission de l'événement si des scandales survenaient pendant la course. De plus, ARD s'est séparée d'un commentateur considéré comme trop proche de Jan Ullrich. Autre retombée, un désintérêt croissant du public allemand pour ce sport. Un sondage publié la semaine dernière montre que seules 23 % des personnes interrogées s'intéressent aux performances des cyclistes professionnels.
Les conséquences se font également sentir chez les sponsors. Après Wiesenhoff, qui avait annoncé qu'il mettait fin à son engagement dans le cyclisme au mois de mai, Adidas, qui équipe les coureurs T-Mobile, n'exclut pas de sauter le pas. Et T-Mobile a décidé de réduire sa présence publicitaire pendant le Tour.
Sur le plan politique, le débat autour d'une législation plus sévère à l'égard du dopage se poursuit. Pour l'instant, la loi se contente d'interdire de manière générale la prescription et l'application de médicaments comme produits dopants dans le sport. Un projet de loi prévoit de sanctionner à l'avenir la possession de produits dopants. Pour de nombreux experts et députés, ce dispositif ne va pas assez loin. Le ministre de l'intérieur, Wolfgang Schäuble (CDU), a néanmoins refusé de durcir le texte. Par ailleurs, la ville de Stuttgart n'exclut pas d'annuler les championnats du monde sur route, qui doivent avoir lieu en septembre.
Selon la Süddeutsche Zeitung, la question qui se pose désormais est de savoir "qui doit, qui peut encore prendre part au Tour de France ?". A la lumière des déclarations de Jörg Jaksche, le Tour de France "risque bien de devenir définitivement une farce, une compétition que plus personne ne prend au sérieux", conclut le quotidien bavarois.
Cécile Calla