Un article passionnant : Thomas Coville est en train de tenter le record du tour du monde en solitaire d'Ellen McArthur, et pour cela, il veut "exprimer sa part de féminité" car selon lui, les femmes ont quelque chose que les hommes n'ont pas pour ce genre d'exploit...


Voile: Thomas Coville s'inspire de la féminité d'Ellen McArthur
LE MONDE 20.11.07 | 11h03

par Sophie Greuil

PARIS (Reuters) - Thomas Coville n'attend plus qu'une fenêtre météo favorable pour s'élancer à la conquête du record du tour du monde en solitaire en multicoque détenu par Ellen McArthur en 71 jours 14 heures et 18 minutes.

Avant de couper la ligne d'Ouessant, sans doute jeudi, il déclare dans une interview à l'Agence Reuter qu'il est prêt "à laisser exprimer (sa) part de féminité, première condition pour réussir ce défi" et battre Francis Joyon lui aussi en attente.

Reuters : Quelle fenêtre "météo" exacte attendez-vous ?

Thomas Coville : Celle qui m'amènera en neuf jours à l'Equateur, le temps de passage référence d'Ellen. Au-delà, je serai déjà en retard sur son record.

Reuters : Que vous a-t-elle dit, conseillé ?

Thomas Coville : "Cela va être dur, beaucoup plus que tu ne l'avais imaginé..." Avec Ellen, on se parle peu mais je sens sa présence. Elle fait partie de ma vie. Quelque part, je l'emmène avec moi.

Reuters : Sur l'instant, qu'avez-vous pensé de son record ?

Thomas Coville : J'ai été impressionné par la manière dont elle a su s'adapter à ce qu'elle n'était pas préparée à faire, à réagir juste et bien sur un terrain qu'elle ne connaissait pas. Quand les conditions de navigation sont normales, Ellen n'est pas spécialement brillante mais quand elles sont très difficiles, Ellen devient hors normes. Je dois tendre vers cette mue.

Reuters : Pour un homme, battre un record établi par une femme ne doit pas être un souci ?

Thomas Coville : Détrompez-vous, ce n'est absolument pas innocent si les femmes battent des records en solitaire. En général, un homme réalise les choses de manière séquentielle, l'une après l'autre. Une femme sait faire plusieurs choses en même temps. Cette qualité est primordiale. Le record d'Ellen est celui d'une femme intelligente dotée de l'intelligence d'une femme.

Reuters : Vous allez donc laisser exprimer votre part de féminité ?!

Thomas Coville : Exactement, en devenant un peu androgyne : ça va être une expérience amusante ! A terre, je puise mes forces autour de moi. Là, je les puiserai à l'intérieur de moi. Comme mon bateau, je vais aller exploiter en moi des terres jusqu'alors inconnues.

Reuters : Vous allez vous battre contre le chrono, contre le bateau, contre Francis Joyon, contre la mer, le vent ?

Thomas Coville : Contre le chrono. En multicoque, on ne se bat jamais contre le vent, on joue avec. Si vous partez pour vous battre contre le vent et contre la mer, vous allez vous rhabiller de suite.

Reuters : Si Francis Joyon s'élance avant vous, il sera...

Thomas Coville : ... mon juge de paix, une bonne échelle de valeur... sans doute une aide précieuse à un moment ou un autre.

Reuters : Son seul luxe à bord est d'emmener des livres. Et, vous ?

Thomas Coville : J'emporte 37 jours de musique non-stop. A terre, la musique accompagne mon quotidien. En mer, je ne pourrais désormais m'en passer parce qu'elle sublime certains instants. Ainsi, Rachmaninov vient avec moi. La première fois que je l'ai entendu, j'ai eu vraiment l'impression de le rencontrer. Je suis entré dans son monde. A son tour d'entrer dans le mien.

Reuters : Quel trait de caractère commun entre vous et "Sodeb'O" ?

Thomas Coville : Facile à vivre. Comme un morceau de musique, ce bateau sort de mes tripes. Sa première note doit donc être à mon image.

Reuters : Sa qualité ?

Thomas Coville : Humble ! Son défaut ? Même si je connais ce grand sud, j'y retourne toujours en mettant les compteurs à zéro. Comme mon bateau, je m'y sentirai comme toujours un peu puceau.

Reuters : Quelle chose originale emmenez-vous ?

Thomas Coville : Une plume d'aigle offerte par un maître-fauconnier après avoir baptisé mon bateau avec ses rapaces. Elle sera sur la table à cartes et me donnera peut-être des ailes.

Ben alors, je me la joue féministe, et aucune fille ne réagit...