Personnellement, l’expérience de l’année dernière avait un petit goût de « reviens-y »
. Totalement traumatisé par une réco dramatique sous la canicule avec Pierrot, j’avais opté pour une stratégie de course « sage » qui me convient peu
: vélo en mode cyclo, tout en retenu, multiples arrêts aux stands … bref, j’avais fini comme une fleur mais trop loin derrière la troupe pour espérer recoller au final. Bilan : je m’étais fait ch … pendant 9 heures …
Cette année, je décidais de rester au contact pour un peu plus d’action. Je ne vais pas être déçu …
Peu à dire sur la nat. L’eau est bonne. Je décide de ne pas me faire piéger au départ comme l’année dernière, je reste sur la ligne. Je ferai les extérieurs tout le long pour éviter la baston et tenter de poser un rythme pépère. Sortie en 46mn, à mon niveau. Je retrouve Antoine qui achève sa transition. Rayzin qui passe comme une ombre pour récupérer son dossard – plus rien de ne me surprend avec Rayzin
-. Et c’est parti pour une longue balade à vélo. J’ai les poches pleines de bouffe, j’ai opté pour une stratégie d’un minimum d’arrêts aux ravitos. On va d’ailleurs tous bcp de se croiser à l’aveugle pendant ces moments-là, ce qui va pas mal troubler notre compréhension de la hiérarchie de course.
Le long faux plat descendant vers Séchiliennes est occupé à gérer les paquets étendus d’athlètes qui se doublent et se redoublent entre les voitures qui tentent de passer. Un beau bordel qui se solde par le premier ponpon
: un arbitre particulièrement zélé qui nous assène une rafale de cartons noirs. En ce qui me concerne, je ne doublais pas assez vite à son goût …
Je goûte peu ce cadeau inattendu. Je monte le col de la Morte à l’adrénaline, furieux, et ne sachant plus comment doubler les pelotons qui fourmillent devant moi. A chaque bruit de moto, je me planque voire je suis debout sur les freins – un comble dans ces pourcentages – et ça a le don de m’agacer. Je retrouve Greg au sommet qui sort du ravito … je lui fais part de mon dépit. Un handicap de 5mn m’attend au sommet de l’Alpe, je dois donc impérativement le précéder. En réalité, on ne va plus se quitter… Il me laissera machiavéliquement devant
, gardant juste la distance nécessaire au contrôle … comme deux fauves qui s’observent, loin encore de soupçonner que nous deviendrons en fait des proies … au désespoir.
Je zappe le ravito de Valbonnais, loin de m’imaginer que j’y laisse plusieurs rilliettes et que je suis alors en 2ème position. Nous abordons le col de d’Ornon, les grosses chaleurs … j’ai les pieds qui gonflent et commence à souffrir. Un premier arrêt au ravito du Perrier s’impose pour enlever les chaussettes et faire le plein avant les vrais pourcentages. Quelle n’est pas ma surprise de voir Rayzin passer à ce moment-là
, je lui enchaîne le pas avec un léger retard, j’apprendrai qu’Antoine nous précède de peu et j’ai mon éternel Greg aux basques légèrement en contrebas
. Voilà qui égaye cette ascension monotone mais qui se passe globalement bien. Je verse dans la descente toujours sans m’arrêter, je la défile avec bcp de plaisir après m’être séparé d’un athlète un peu trop prudent à mon goût. Et nous voilà au pied du juge de paix de la journée, les lacets de l’Alpe que j’aborde assez serein, mais relativement entamé.
Je gère les premiers virages jusqu’à la Garde, j’espère les moindres pourcentages pour récupérer mais rien n’y fait. Je suis vidé de vidé. C’est à ce moment que Rayzin me double, pas bien fier non plus, mais clairement mieux. Je n’envisage même pas de le suivre. C’est le coup de grâce
. Au premier petit coin d’ombre, je décide d’une halte pour me refaire. Crapatueur me doublera probablement à ce moment-là. Il me faut plusieurs minutes pour reprendre mes esprits. Je pense à attendre Greg qui ne doit pas être loin derrière… et effectivement, je vois arriver le miséreux qui semble tirer à lui tout seul la horde des triathlètes qui le suit … il s’arrête juste pour me dire qu’il abandonne là-haut
… je tente de lui expliquer qu’il suffit d’attendre que ça revienne … je lui emboîte le pas, ça va mieux pour moi. Je ne vais pas bien vite mais je retrouve du plaisir. Lui poursuit la tête basse, mais il poursuit. Je fais une nouvelle halte au virage des hollandais. Je vois Greg passer, qui n’a même plus le courage de s’arrêter. Je le rejoins puis le laisse à son désespoir, direction l’Alpe d’Huez où une petite pause de 5mn m’attend.
Comme souvent sur le long, je me dis « tu as vendangé sur le vélo, essaye au moins de faire une belle cap »
. Je profite de la pénalité pour m’alimenter, me crémer et tout de même faire quelques commentaires sur le zèle d’un certain arbitre, on me répond que j’ai sûrement un peu triché … je laisse tomber
… comment expliquer qu’on ne peut pas tricher avec ce parcours, il pénalise à lui tout seul … Au moment de revenir sur mes pas pour déposer dans le parc crème solaire et de multiples barres qui me chargent inutilement, j’ai le bonheur de voir Greg arriver
. J’en profite pour le motiver vigoureusement, il serait bête d’abandonner si près du but. Mais je suis déjà sur le départ et je ne lui sens pas beaucoup d’entrain. J’ai bien l’impression qu’il ne poursuivra pas. Ce qui me laisse un peu pantois et isolé, imaginant les autres rilliettes bien loin devant… Je retrouve Antoine au premier ravito. Il a un tour d’avance. On fait le point. Je l’avertis du Crapatueur que j’ai aperçu pas loin derrière
, pas de nouvelles du Rayzin qu’on imagine déjà sous la douche
, je n’ai que peu d’espoir sur la suite pour Greg … on repart et on a le plaisir d’apercevoir le Greg au demi-tour. Il a de la persévérance, le petit, c’est bien
… mais je ne m’imagine pas une seconde finir derrière lui à ce moment-là de la course
. Sur la longue côte qui ramène à la station, j’hésite entre marcher ou courir mais je suis soudain pris de soudains spasmes gastriques qui ne m’annoncent rien de bon
. Je sens surtout que je ne franchirais pas la station sans me soulager et qu’il y a urgence à trouver un petit coin d’intimité, assez rare dans cet univers rocailleux
. J’aperçois finalement en contrebas de la côte de l’héliport quelques denses buissons dans lesquels je n’hésite pas à plonger pour ma petite affaire. Ca m’oblige à me désapper complètement, les gels qui tombent de mes poches, mon top qui colle au dos, ma ceinture porte-dossard qui reste accrochée …
une totale galère empreinte d’une pointe d’excitation mais récompensée par un soulagement profond … mais il faut déjà penser à repartir
, se rhabiller, le top qui colle, les gels éparpillés, la ceinture porte-dossard qui résiste ... Crapatueur qui m’avait en point de mire ne saura jamais où je suis passé
… et c’est l’éternel Greg que je retrouve en remontant sur le bord du chemin
. J’ai l’impression de vivre le lièvre et la tortue …
Mais je ne suis plus très vaillant. J’ai le bas du ventre qui en remettrait bien une, je serre les dents et les fesses, j’ai du mal à suivre Greg…
je me dis que je ne vais quand même pas finir derrière encore une fois … je m’accroche. On croisera au cours de ce deuxième tour un Benji en douleur selon lui, mais quand même loin devant, un Crapatueur qui aura fini par avaler un Antoine également en détresse. Toujours pas trace du Rayzin qu’on a fini par oublier
… Et l’arbitre zélé qui n’a pas perdu de son entrain et qui s’attaque ce coup-ci au pauvre Greg pour une vague histoire de dossard …
On n’est qu’à mi-parcours ... Greg fonctionne en marche commando, course/marche, course/marche, c’est hyper casse-pattes
, je ne le suis pas quand il marche et ça relance mes spasmes. Je décide donc de suivre mon propre rythme de course, et ô bonheur, les spasmes s’estompent et libèrent mes jambes. A l’orée du 3ème tour, j’ai une bonne foulée
et une longueur d’avance sur Greg. C’est lui qui s’accroche. Je me dis qu’au pire, on finira ensemble, voire je finis devant – non mais …
- car ça va vraiment mieux. Mais l’aventure est loin d’être finie…
C’est sans compter sur un énorme coup de bambou qui m’assomme dans la partie trail. Etourdissements, nausées, jambes coupées, … plus rien de répond. Je ne peux qu’assister impuissant au spectacle navrant d’un Greg me laissant sur place
… j’ai beau garder l’espoir que ça va revenir, j’arrive à peine à marcher
. Petits souvenirs de Roth … mais aussi d’un certain Rom à Bourg-en-Bresse
. Il manquait une position à mon quintathlon du jour : allongé, assis, debout, accroupi et enfin, à quatre pattes, à vomir des décilitres d’eau que le système digestif avait décidé de ne plus assimiler
. Le soulagement est moindre, je suis bien secoué, mais ça me permet de repartir, titubant... Il ne reste que quelques petits km et j’aurai le bonheur de la haie d’honneur rilliette à l’arrivée, bénéfice du bon dernier
Il doit être écrit que 9 : 50 est mon temps sur l’Alpe d’Huez. 9 h et 50 sec l’année dernière, 9 h et 50 mn cette année …
Et tout ça pour finir encore une fois derrière
… mais bizarrement bien plus satisfait de ma course. Une belle aventure humaine, partagée au plus proche avec les autres rilliettes, avec des rebondissements, de l’action, de la chique et du mollards … Ce fut sale mais bon.
Bravo à l’orga pour ce triathlon toujours aussi merveilleux, bravo à Benji qui a tenu son rang même dans la douleur, à Crapatueur qui rappelle aux petits jeunes que Triclair à l’époque du Duck, c’était aut' chose
, à Antoine qui tient une belle revanche sur l’année dernière, à Rayzin qui aura démontré sa gnak une nouvelle fois, et à Greg dont la persévérance a fini par payer et qui confirme à nouveau à mes dépends
… Rien ne sert de courir, il faut partir à point …
Je pense avoir tourné la page du L de l’Alpe, mais la perspective d’Embrun 2017 me titille déjà … Va falloir un entrainement un peu plus sérieux …