Tiens, un article tout chaud du "Monde", qui va intéresser Kollanta, sur la réforme des tutelles :
Un appel solennel pour une réforme urgente des tutelles
LE MONDE | 26.04.06 | 13h23 • Mis à jour le 26.04.06 | 14h12
Le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, a réuni autour de lui, mardi 25 avril, tout ce que le monde des tutelles compte de responsables afin de lancer un appel solennel au gouvernement : il y a, selon lui, urgence à réformer le régime de protection des majeurs vulnérables. "En matière de tutelle et de curatelle, les dysfonctionnements actuels sont tellement graves qu'ils pourraient conduire un jour à des risques majeurs, a estimé le médiateur de la République. Depuis dix ans, les rapports se sont accumulés, les discussions avec les professionnels ont abouti, la réforme est prête. Maintenant, le temps de la décision est venu."
Lexique Curatelle. La curatelle s'adresse aux personnes qui, sans être dans l'incapacité d'agir seules, ont besoin d'être conseillées ou contrôlées dans les actes de la vie civile. L'accord du curateur désigné par le juge des tutelles est nécessaire pour certains actes comme la vente d'un bien ou la souscription d'un emprunt.Tutelle. La tutelle s'adresse aux personnes dont les facultés mentales sont altérées et qui ont besoin d'être représentées d'une manière continue dans les actes de la vie civile. Le tuteur gère alors totalement les revenus et le patrimoine de la personne.
Conçu à la fin des années 1960, le système avait pour ambition de protéger les personnes "vulnérables" que les magistrats jugeaient incapables d'exprimer clairement leur volonté : la gestion de certains actes de leur vie quotidienne était alors confiée à un tuteur ou un curateur.
"On pensait que les familles assumeraient cette charge et que quelques milliers de personnes seulement seraient concernées, raconte Anne Caron-Deglise, présidente de l'Association nationale des juges d'instance. En réalité, les familles ont rarement pris le relais et le nombre de personnes protégées a totalement explosé. La situation est devenue catastrophique."
Près de 800 000 personnes - soit plus de 1 % de la population française - sont concernées par le régime de protection instauré par la loi de 1968. Et cette croissance devrait continuer : sous le seul effet de l'allongement de l'espérance de vie, le nombre de "majeurs vulnérables" devrait, selon l'Institut national des études démographiques, atteindre un million à l'horizon 2010. L'augmentation rapide du nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, qui affecte gravement les facultés mentales, devrait accentuer cette tendance.
Les magistrats et les gestionnaires de tutelles sont débordés par le flot continu des dossiers. "Sur l'ensemble du territoire français, il y a, en équivalent temps plein, 80 à 90 juges des tutelles pour près de 800 000 dossiers ! soupire Anne Caron-Deglise. Nous manquons de psychiatres et de gérontologues pour évaluer l'état mental des personnes et la moitié des mesures sont prises en charge par des professionnels qui n'ont ni statut ni rémunération. Aujourd'hui, nous n'avons pas les moyens de vérifier que les comptes sont bien gérés."
EXCLUS DE LA CROISSANCE
Avec les années, la population visée par les mesures de protection s'est profondément modifée : le système, qui visait à l'origine les personnes âgées atteintes de démence sénile et les handicapés mentaux, s'est peu à peu étendu aux exclus de la croissance et aux surendettés chroniques.
"Aujourd'hui, les personnes dont nous nous occupons sont avant tout des victimes de la pauvreté et de la précarité, explique Bernard Farriol, l'un des administrateurs de l'Union nationale des associations familiales. Ils n'ont pas vraiment besoin d'une mesure de tutelle ou de curatelle. Ce qu'il leur faut, c'est une prise en charge des services sociaux."
La réforme préparée par le gouvernement, qui distingue les personnes dont les facultés mentales sont altérées de toutes celles qui ont simplement besoin d'un accompagnement social, est bouclée depuis longtemps, mais elle bute sur un problème financier : l'accompagnement social relèvera des conseils généraux, qui refusent d'assumer cette nouvelle charge.
"Il nous faudrait pour cela recruter 700 à 750 personnes, souligne le président de l'Association des départements de France, Claudy Lebreton. Tant que le gouvernement n'aura pas réglé le problème du RMI, qui nous a été transféré sans que les compensations financières promises soient versées, nous serons vent debout contre toute nouvelle réforme." L'initiative du médiateur de la République a été soutenue par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Philippe Houillon (UMP), et celui de la commission des affaires sociales, Jean-Michel Dubernard (UMP).
"On n'a pas le droit d'attendre que la situation explose, affirme, au nom de M. Dubernard, Laurent Wauquiez, député (UMP) de Haute-Loire. Il faut d'urgence régler le problème financier car il serait inacceptable que l'on arrive à l'élection présidentielle, en 2007, sans avoir adopté cette réforme consensuelle et nécessaire. Si le gouvernement ne bouge pas, nous présenterons nous-mêmes, cette année, une proposition de loi afin de lancer un signal politique fort."
Anne Chemin
Article paru dans l'édition du 27.04.06
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